Mettez-vous dans la peau d’un jeune chevelu en 1983 : il prenait baffe sur baffe de la part de ses héros en métal, la moindre n’ayant pas été celle infligée par les teutons d’ACCEPT avec le fantastique Restless & Wild précurseur d’un Heavy sans limites, dans les tempos comme dans les mélodies et les thèmes abordés.
Inutile de vous dire combien l’attente était importante avant la sortie du nouvel opus des germains, et à quel point cet album a pu nous déconcerter (plus que nous décevoir réellement, nous y reviendrons).

Où sont passés les guitares qui flambent, les requins supersoniques, les néons la nuit et les princesses de l’aube ? La pochette évoque sans ambiguïté mais sans subtilité (il a quoi dans la main le monsieur poilu ?) l’homosexualité, cause juste mais encore un peu sulfureuse à l’époque et peu en phase avec les attentes des fans enragés gorgés de testostérone. Il fallait cependant oser et, avec le recul, je trouve le texte d’une chanson comme "Love Child" touchant, nettement plus que ceux de "London Leatherboy" ou "Balls to the Wall".
Au-delà de ces considérations sur les thématiques abordées, reconnaissons la qualité de la production et de l’enregistrement du disque (merci Dieter Dierks), ainsi que le savoir-faire des Allemands en matière d’intros mortelles (avec les fameux râles ou soupirs qui accompagnent les riffs), de rythmiques implacables, de soli de grande classe et de vocaux hargneux mais restant mélodiques.
Le problème vient du fait que pas un des titres de cet opus ne rivalise vraiment avec les meilleurs morceaux de Restless : bien entendu "Balls to the Walls" est un mid-tempo écrasant, mais le refrain ne mais plaît qu’à moitié. Idem de "London Leatherboys", malgré sa super intro, de "Turn Me On" et de "Guardian of the Night" qui ne convainquent qu’à moitié ; il y a toujours un petit quelque chose qui cloche.
Les titres plus speed comme "Fight It Back" ou "Love Child" sont sympas mais à des années-lumière d’un "Fast as a Shark". J’aime mieux "Losers and Winners" au texte bien mordant, mais ce n’est pas non plus une tuerie. "Losing More Than You Ever Had" est assez réussi, avec un refrain cette fois bien accrocheur et un break de grande classe, alors que "Winter Dreams" est un morceau calme et atmosphérique qui termine joliment l’album sans être totalement inoubliable (les cloches sur le refrain sont totalement kitsch).
Finalement, mon titre préféré est "Head Over Hills" : l’intro basse/guitare reste bien en tête, et le titre est cette fois totalement réussi, pas loin d’un "Neon Night" par exemple, et j’adore le solo 'blackmorien' de Wolf Hoffman.

Tout cela était trop peu pour contenter les ados que nous étions à l’époque (de même que les auditeurs attentifs que nous sommes devenus), aux aguets de la 'Masterpiece' d’ACCEPT qui n’arrivera finalement qu’à la livraison suivante.
Balls to the Wall reste cependant un immense succès des teutons et une pierre angulaire du métal de l’époque.
C’est historique certes, plutôt bon en effet, mais pas assez.