Après le décevant No prayer For the Dying, IRON MAIDEN revient en 1992 avec Fear of the Dark, un album assez difficile à cerner.

Premier constat : les erreurs les plus flagrantes de l’opus précédent ont été corrigées. On commence par la pochette très réussie et en phase avec le concept : le groupe a dû prendre la dure décision d’écarter Derek Riggs pour confier le travail à Melvyn Grant (et ils ont bien fait quand on voit les esquisses de Riggs pour le projet). Ensuite, vient la production, bien plus travaillée et léchée. On retrouve les standards de MAIDEN, avec des ajouts de claviers qui renforcent l’ambiance de certains morceaux. Enfin, l’exécution musicale, notamment les parties de guitare, est de bien meilleure qualité : Janick Gers s’est apparemment mis au niveau sur le plan du jeu (on verra qu’il en est autrement de ses compos), alors que Dave Murray et Nicko Mcbrain se retrouvent totalement et que Steve est à son niveau, monstrueux comme d’habitude.
Des défauts importants subsistent néanmoins. La voix de Bruce Dickinson a gardé de l’album précédent cette patine rageuse et presque écorchée sur la plupart des morceaux, certains étant vraiment gâchés par cette agressivité inutile et excessive. Et surtout, les compositions sont d’un niveau inégal : quelques pièces sont des classiques, alors que d’autres figurent parmi les plus faibles jamais enregistrées par le groupe ; ceci nuit considérablement à l’appréciation globale de l’album et lui confère un caractère décousu inhabituel.
En y regardant de plus près, trois titres se détachent nettement. En premier lieu, "Fear of the Dark", classique instantané encore joué lors de la tournée Legacy of the Beast. Ensuite, "Afraid to Shoot Strangers" avec son incroyable intro sur rythme ternaire et son envolée instrumentale magique. J’adore également "Childood’s End", morceau vraiment original pour le groupe, tant dans le texte (très beau) que dans le riff d’intro à dominantes claviers. Or, ce sont trois titres crédités à 100% à Steve, cherchez l’erreur.
Parmi les autres bonnes compo' du disque, se trouve "From Here To Eternity", encore du 100% Harris. Dans cette catégorie, on peut ajouter "Wasting Love" doté d’un beau début lent et interprété par un Bruce plus nuancé, "Be Quick Or Be Dead" malheureusement gâchée par le chant et, éventuellement, "The Fugitive" dont l’intro martiale est judicieusement appuyée par les toms de Nicko.
Il nous reste quatre morceaux médiocres : "Fear is the Key" au riff orientalisant qui se traîne en longueur et manque d’un réel refrain, "Chains of Misery", un peu bancal (une habitude chez Dave) avec son refrain passe-partout, "Judas Be My Guide" pas mal mais un peu légère et, enfin, "Week End Warriors", tentative plus originale de Gers mais globalement décevante. Reste une bouse, le pire morceau enregistré (à l’époque) par MAIDEN, "The Apparition" de Janick que l’aide de Steve n’a pas réussi à sauver.
Le bilan est implacable : Steve fait des miracles, mais ne peut pas tout faire seul, Bruce n’est plus réellement impliqué comme compositeur (il co-signe 5 titres parmi les moins bons, loin de ce dont il est capable) et comme chanteur (ce qui se confirmera sur les albums Live à venir), et Adrian Smith manque cruellement, cette fois-ci surtout comme compositeur. Malgré leurs efforts, Dave et Janick échouent à composer des titres réellement intéressants et à challenger Steve, ce qui se révèlera rapidement très problématique pour le groupe.

Le départ de Bruce après la tournée confirmera les craintes des fans. Fear of the Dark est loin d’être un mauvais album, mais il porte les symptômes d’un groupe malade, qui ne s’en sort que par la volonté et l’inspiration de son leader. Et c’est insuffisant pour atteindre les sommets des 80’s, la suite ne fera que le confirmer.