A Matter of Life and Death est un album un peu à part dans la copieuse discographie de IRON MAIDEN. Troisième opus après la réformation, il est celui qui marque définitivement l’orientation du groupe vers des univers plus matures et sombres. Il bénéficie en outre d’une forte unité thématique et musicale qui (a contrario d’un album comme Dance of Death) bonifie l’appréciation globale qu’on peut lui porter.
La pochette, première œuvre de Tim Bradstreet pour les Anglais, ne ment pas sur le contenu : noir c’est noir. Le groupe porte un regard sévère sur le monde qui l’entoure et trouve les mots et les musiques pour l’exprimer. La filiation avec un morceau comme "Paschendale" est évidente sur plusieurs titres, alors que l’interprétation du groupe est remarquable de bout en bout, mention spéciale à Bruce, infatigable et fascinant conteur dont les textes prennent ici une ampleur remarquable. Un léger bémol : le son des guitares en solo est parfois un peu étouffé et restreint dans son spectre sonore, dommage mais pas rédhibitoire.
Niveau compos, la palme revient (comme souvent) à Steve en solo avec le fantastique "For the Greater Good of God", le meilleur titre épique de MAIDEN depuis "Seventh Son" (je le place devant "Fear of the Dark"). Tout y est réussi, l’intro, la lente montée des couplets accompagnée par les cymbales de Nicko, le riff, le pré-refrain, le refrain (les répétitions sont voulues et participent au thème abordé) et les formidables parties instrumentales. Top !
En second lieu, le quatuor de titres composé par Smith/Harris Dickinson. Ces trois compères font merveille quand ils composent ensemble et tant "These Colors Don’t Run", que "Brighter Than a Thousand Sun", "The Longest Day" et "Lord of Light" sont des réussites incontestables, toutes différentes et remarquables. A propos du premier titre cité, je vous conseille l’anecdote hallucinante entre le groupe et Sharon Osbourne lors de la Ozzfest de 2005 narrée sur l’excellent site 'The Iron Maiden Commentary' ou dans le non moins excellent livre L’odyssée de la bête de Neil Daniels. J’adore également "The Reincarnation of Benjamin Breeg" au riff bien pêchu, étrangement boudée à sa sortie, et qui est selon moi le meilleur morceau composé par Dave Murray pour MAIDEN. Belle réussite également que "Out of the Shadow", dans un style power ballad que le groupe maîtrise à présent parfaitement. "Different World" est un morceau d’intro, proche de "The Wicker Man", pas mal mais un peu trop passe-partout à mon goût. Restent les deux morceaux composés par Janick Gers (avec l’aide de Steve Harris, notamment pour les textes) : "The Pilgrim" est correct sans plus, bonifié par les consonances orientales du refrain, alors que "Legacy" est bourré d’idées plus ou moins bonnes (riff à la Led Zep, mais Janick n’est pas Jimmy Page), et souffre surtout d’un trop-plein de directions qui le rend un peu indigeste.

Cet album riche et finalement très bon bénéficie d’un énorme et incontestable investissement du groupe qui en donne vraiment pour leur argent à ses fans. Il semble également figer les orientations futures, en faveur des formats abondants et des titres longs. Cela peut plaire ou non, mais c’est un choix conscient et délibéré. Et, comme pour un être humain, ça peut aussi être beau un groupe qui prend de l’âge, mûrit et l’assume.