Quatre ans après le grand succès de A Matter of Life and Death, IRON MAIDEN revient avec The Final Frontier dont le titre a laissé un temps penser, à tort, qu’il serait le dernier opus du groupe.
Passons sur les habituelles polémiques concernant la pochette, (en mode 'Alien' cette fois) : elle aurait pu être plus réussie, car le thème est fort intéressant, mais n’est pas catastrophique non plus. Penchons-nous donc sur le contenu, en commençant, une fois n’est pas coutume, par les textes. Il faut souligner le grand investissement du groupe en la matière. Bruce et Steve ont vraiment développé chacun une réelle qualité d’écriture et s’intéressent à des sujets de plus en plus profonds, nourris par un gros travail de documentation et de réflexion. C’est suffisamment rare, tous genres confondus, pour mériter d’être souligné et salué (pour ceux qui veulent aller plus loin, je ne saurais trop vous recommander l'excellent site "The iron maiden commentary" qui va vraiment au fond des choses).
Sur le plan musical, le plus marquant est que l’album contient beaucoup de très bons moments, mais me fait finalement penser à un banquet dont chaque plat est bon voire excellent, mais dont l'accumulation finit par conduire les convives au bord de l’indigestion.

Commençons notre repas : en guise de mise en bouche, "Satellite 15" nous propose des saveurs inhabituelles, pas désagréables, mais difficilement identifiables, œuvre du chef Adrian tout surpris de voir son plat expérimental repris tel quel pour ouvrir le festin.
On enchaîne sur du très (trop ?) classique "The Final Frontier" qui nous réconforte les papilles sans vraiment créer la moindre surprise. "El Dorado" prend la suite avec des saveurs épicées, plat assez fort en goût grâce à un riff bien marqué, mais manquant un peu de finesse.
Suite des hors- d’œuvre : "Mother of Mercy" n’est pas mauvais mais manque de longueur en bouche, "Coming Home", la désormais traditionnelle 'power ballad', propose de belles textures et saveurs (joli texte introspectif de Bruce aux commandes de son avion), alors que "The Alchimist" concocté par le chef Janick est vite exécuté, vite avalé et aussitôt oublié.
On arrive aux plats de résistance et c’est là que les choses se gâtent : la suite "Isle of Avalon" (9’06), "Starblind" (7’48), "The talisman" (9’03) et "The man Who Would Be King" (8’28) me fait le même effet qu’enchaîner bouillabaisse, cassoulet, couscous et choucroute garnie à la suite : chacun des plats est bon, voire délicieux, mais l’accumulation nous porte au bord de l’indigestion. Difficile d’ingurgiter cette farandole d’intros subtiles, de riffs saignants, de refrains solides, de breaks surprenants (ou pas) ou encore de solos saisissants sans avoir la nausée. Dommage vraiment car il n’y a pas grand-chose à redire sur la qualité des ingrédients et le savoir-faire des chefs. Un trou normand avec un morceau plus léger aurait été bienvenu pour alléger cette série.
Et le meilleur reste à venir : à peine remis de cette accumulation de mets bien lourds, arrive le gros gâteau rempli de crème "When the Wild Wind Blows" (10’59), habituelle compo à tiroirs de Steve Harris qu’on a connu néanmoins plus inspiré et expert dans ses assemblages de saveurs. Même si le plat reste plutôt goûteux, on en mangerait avec plus d’appétit sans le festin ingurgité auparavant ! On a vraiment du mal à tout finir, et le plaisir du repas en est fortement altéré.
Pour en finir avec cette allégorie culinaire, concluons : non "The Final Frontier" n’est pas un album bâclé ni en manque d’idées et encore moins mauvais. Il bénéficie souvent d'une belle qualité d'écriture, et comporte nombre d’excellents moments (j’ai un faible pour "Starblind", paroles et musiques) à la hauteur de ce qu’on peut attendre d’un groupe aussi talentueux. Il souffre simplement d’un trop plein qui nuit à son appréciation globale et à l’envie de le poser sur la platine. Dommage vraiment, mais du coup on en reste à une note médiocre au regard de l’effort accompli par nos chefs.