Plus que la musique, c'est le souvenir. Il y a dans la maison de mes parents cette chaleur dégagée par une forte présence du bois. Du bois qui craque, parfois un peu bancal. A bien y regarder, on peut voir le jour entre les planches, un peu comme chez SOUCHON. Rares sont les chanteurs à mettre ainsi en musique leurs failles, leurs écorchures, leurs écornures. C'est Déjà Ca est sans aucun doute l'album de SOUCHON que les boiseries de la demeure familiale ont le plus entendu. L'adhésion et l'admiration maternelle pour le spleen du chanteur s'est transmise, et cet album résonne aujourd'hui dans mon propre cocon, comme au premier jour. Car C'est Déjà Ca, au contraire de la plupart des albums précédents du chanteur, ne s'émousse pas, et s'enhardit au contraire à mesure que le temps passe.

Il est vrai qu'il y a, dans ce quatuor d'ouverture, autant de chefs-d'œuvre dont les mélodies, toujours saisissantes, et le propos, toujours actuel car intemporel, sont certainement à ranger parmi les plus inspirées de la carrière de SOUCHON. Un soupçon de légèreté désabusée, une tendresse douce-amère, et l'artiste parvient, sans s'éloigner de ce qui constitue son identité forte, à se transcender pour accomplir l'exploit de proposer un album parfait et savoureux de bout en bout. S'ajoutent à ces tubes éternels la saveur intimiste de "Chanter, c'est Lancer des Balles", qui démontre une nouvelle fois que c'est sur un piano que la voix de SOUCHON résonne le mieux, une impression que confirme l'espiègle "Les filles électriques". Les envolées hispaniques du "Zèbre", le chef-d'oeuvre signé Voulzy "C'est Déjà ça", "Le fil" et ses claviers envoutants, voici qui complète noblement un tableau qui ne laisse aucun doute : C'est Déjà ça est un classique de la chanson française, voilà tout. Ma mère et les boiseries de la maison familiale ne vous diront pas le contraire.