Un Canadien qui travaille avec CANADA : mais pourquoi n'y ont-ils pas pensé plus tôt ? C'est en effet avec Erick Benzi et Gildas ARZEL (et le pote Jacques Veneruso à l'écriture) que Roch VOISINE a conçu son nouvel album en français après le très bon Kissing Rain. Un casting plutôt restreint, par rapport à la débauche de musiciens des albums précédents. Sachant que CANADA n'était pas le groupe le plus violent qui soit, on pourrait s'attendre à du minimalisme forcé. Il y a un peu de ça dans ce Chaque Feu, qui, équipe soudée oblige, met à forte contribution les qualités de compositeurs de feu-CANADA, n'hésitant pas à emprunter à son répertoire ou celui solo de Gildas ARZEL - Roch lui avait déjà piqué son "Jean Johnny".

Et si on ne se retrouve pas exactement dans la catégorie "tabouret acoustique en slo-mo", c'est vrai que Chaque Feu n'en est pas un d'artifice. On est plutôt dans les mid-tempos et les ballades, chose à laquelle nous commençons à nous habituer, ce bien que Roch ait souvent bien négocié les virages rock (enfin disons pêchus). Et comme souvent, c'est la qualité intrinsèque des chansons qui fera la différence, puisque côté interprétation, nous avons toujours des guitares douces, une voix superbe et des arrangements passe-partout. Le souci proviendra de la quantité de chansons très anecdotiques, surtout regroupées dans la seconde moitié : "Un simple gars" (qu'on retrouvera sur l'album de Noël on ne sait trop pourquoi), "Juste un peu de temps", "De l'espoir", la plus rock "J'ai pas confiance" qui sonne un peu LORIE... des chansons allant du mignon mais cucul au lénifiant. Cependant, une seule sera vraiment ratée : "Les lys blancs", qui fait factice, commandée.

Ces chansons baissent l'intérêt du disque de manière assez conséquente. D'autres sauvent l'honneur grâce au talent inné des musiciens : "Au bout de la piste" par exemple est la première utilisation par Roch d'une boîte à rythmes, et ce n'est ni choquant ni raté. "Seconde chance" n'a que peu d'intérêt jusqu'à l'arrivée des choeurs gospel, un vieux truc de magicien qui marche toujours. "Chaque feu" est charmante, "Avant vous" se donne du peps grâce à, devinez ? Les choeurs. Roch reprend aussi le grand tube de CANADA, un "Mourir les sirènes" qui débute mollement mais finit en troquant le solo de guitare par une cornemuse : il y a là-dedans un côté épique et majestueux que VOISINE n'explore pas assez souvent.

Et puis, je vous rassure, il y a aussi les réussites, notamment grâce au soin apporté aux mélodies. "Doucement" est une ballade comme les détracteurs de Roch en cauchemardent : mièvre, minimaliste. Mais c'est LA ballade romantique de Roch VOISINE, encore plus que "Hélène", tant elle est douce et écrite au millimètre. Et le riff instrumental de "Juste pour soi" est magique. Dommage que la chanson complète ne soit "que" bonne, car vraiment, ces dix secondes de miel auditif, c'est du caviar. Oui, du caviar au miel, c'est un apiculteur du KGB qui m'a refilé la recette.

Difficile de donner un avis tranché sur cet album. D'un côté, il y a vraiment un côté facile avec un chanteur qui se laisse un peu trop auto-bercer, on ne sent pas l'exigence, la volonté de secouer un peu le cocotier des trois albums précédents. De l'autre, si vous aimez le genre, il faut avouer que ça se laisse écouter, de façon trop souvent distraite mais avec assez de mélodies et de charme pour aller jusqu'au bout, avec ce "Et si" aussi apaisant que le final de Kissing Rain était sinistre. Finalement, Roch donne à son public cible ce qu'il attend, sans le trahir, mais sans traiter par-dessus la jambe, à part donc quelques bévues. Certains d'entre vous ne les pardonneront pas. D'autres ne s'en rendront même pas compte.

Note finale : 2,5 / 5