C'est un rythme décontracté et chaloupé, un bout de temps suspendu. Pour la première fois en collaboration avec sa fille Aurélie, directrice du label Baboo Music, Francis CABREL nous offre un morceau inédit diffusé au format 45 tours. Enregistré chez lui à Astaffort, le morceau est accompagné d'un clip dont il a écrit le scénario, et se voit porté par un visuel qu'il a également imaginé et dessiné : le portrait d'un oiseau, volant à tire-d'aile au-dessus d'un village du sud-ouest.

Le titre est un calembour qui ne parlera peut-être pas à tout le monde. Un Morceau de Sicre est en effet un hommage à Claude Sicre, ami de CABREL, par ailleurs porte-voix du groupe FABULOUS TROBODORS et grand défenseur de la culture occitane, qui partage avec l'ancien moustachu une passion commune pour les troubadours et cette manière nouvelle de chanter l'amour et la femme. C'est largement inspiré des travaux de Claude Sicre que l'auteur de "Petite Marie" a consacré plusieurs morceaux à ce thème de l'amour courtois sur son dernier album en date, A l'Aube Revenant. D'album, il n'en est ici nullement question. Ce nouveau morceau semble voué à rester un "one-shot", l'artiste clamant à qui veut l'entendre qu'aucun titre n'est encore écrit dans l'optique d'un nouveau travail en studio.

A travers ce clin d'œil à Claude Sicre, Un Morceau de Sicre est surtout un hommage à ville de Toulouse, où CABREL y a chanté et enregistré ses premières chansons, entre la rue Caraman et la rue Matabiau. Le morceau est porteur d'une insouciance tranquille. CABREL chante la ville rose, mais ce sont les calypsos auxquels on pense à la première écoute bien plus qu'aux briques de la Place du Capitole. C'est entraînant, envoûtant, mais somme toute anodin, et il glisse sur ce titre comme une impression de laisser-vivre un peu faiblarde, comme si le propos ne méritait pas plus qu'une ritournelle un peu passe-partout. On pense par exemple aux sonorités de "Les Beaux Moments Sont Trop Courts", sur le dernier album, et on peine à s'investir pleinement dans ce morceau dont on retient surtout une nonchalance peu engageante. La mélodie est belle, les arrangements chaleureux, et il y a dans la progression des guitares, tout autant que dans les sonorités rassurantes l'impression d'une force tranquille qui n'a rien à prouver. Il est vrai qu'écouter le timbre timide, posé de CABREL sur ces quelques notes douces et paresseuses suffit à notre plaisir.

L'hommage n'est pas que dans l'intention. Le texte est une profonde déclaration d'amour à Toulouse, ville dans laquelle "les Claude se suivent", référence évidente à l'incontournable Claude Nougaro, et le clip regorge de clins d'œil à des figures emblématiques de la ville, plusieurs apparaissant le temps de quelques secondes dans ce métrage espiègle et pétri de bons sentiments, dont on retient surtout la beauté de la lumière. Tout cela est un peu court pour faire de ce single un grand morceau de CABREL. Non, dans sa simplicité humble, Un Morceau de Sicre se fait un hommage agréable bien qu'anodin, qui s'inscrit en ce sens dans la droite lignée des réalisations récentes du chanteur qui a semble-t-il décidé de mettre de côté toute volonté de challenge artistique. CABREL fait du CABREL, et si les dix dernières années ne sont pas vraiment les plus flamboyantes de sa carrière en termes d'apport musical, ce petit morceau sans prétention constitue la prolongation bienvenue et sympathique d'une carrière que l'on aimerait éternelle.