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- Style : Maxime Le Forestier , Georges Brassens , Bobin

Francis CABREL - In Extremis (2015)
Par GEGERS le 14 Juin 2015          Consultée 4937 fois

Pour Francis CABREL, un album sur deux est une gageure. L'artiste le reconnaît lui-même : après avoir donné naissance à un album qui semble avoir coulé de source, lui donner une suite et tenter d'égaler sa qualité lui paraît être une épreuve insurmontable. Depuis le début de sa carrière, l'artiste est hanté par l'angoisse de la page blanche. Pour autant, celui qui clamait au début de sa carrière qu'il se tairait une fois qu'il aurait l'impression d'avoir tout dit n'a toujours pas raccroché les crampons, même si lors de ses récentes interventions dans les médias il a annoncé être en train de 'préparer sa sortie».

Des roses et des orties, tout comme Hors-saison avant lui, étaient des albums qui coulaient de source. Les morceaux, savamment agencés et issus d'un même 'moule', d'un même processus de compositions, s'imbriquaient naturellement pour former un ensemble d'une qualité exceptionnelle. En bon perfectionniste taciturne, CABREL a ainsi bataillé pour donner une suite à son album de 2008. L'inspiration ne venant pas, ou celle-ci donnant naissance à des morceaux proches de l'univers de son idole Bob DYLAN, le chanteur décide de proposer son hommage à Zimmy avec Vise le ciel en 2012. La composition du second volet du conte musical Le Soldat rose l'occupe une année de plus, et puis, enfin, le natif d'Astaffort s’attelle à l'ouvrage.

Comme l'album Les beaux dégâts en 2004, In extremis témoigne d'un artiste en proie à des questionnements, faisant preuve d'une intranquillité déstabilisante. Pour autant, c'est avec un aplomb inédit qu'il nous fait face sur la pochette de l'album. Jamais son regard bleu profond n'a ainsi confronté celui de l'auditeur. Une pose à la Bernard LAVILLIERS qui mêle rigueur et tendresse, et attise la curiosité. Ce nouvel album n'est pourtant pas un album qui ose. Il s'agit bien là d'un album tranquille, enregistré à la maison (le Studio Ephémère d'Astaffort) en compagnie de compagnons de longue date. CABREL signe tout, textes et musiques, en bon artisan discret.

Alors que Des roses et des orties bluffait par cette prise à la gorge immédiate, délicieuse et imprévue, In extremis a besoin de temps et de patience. Le ton se fait, en de rares occasions, énergique : "Dur comme fer", critique douce-amère des mensonges politiciens, rappelle, tant par le thème abordé que par la mélodie, "Le monde est sourd", titre introductif de l'album Hors-saison. Le morceau-titre, "In extremis", qui évoque pour sa part la mise à mort des langues régionales, l'Occitan en tête, permet à CABREL de renforcer un peu plus les influences country-folk qui ont bercé sa jeunesse et qu'il assume pleinement depuis les années 90. Très bon morceau, agrémenté d'un violon dansant lors de sa longue outro, voici qui constitue un des moments les plus enlevés.

Le reste de l'album s'avère bien moins engageant. Les tempi se font lents, le ton désabusé, d'une mélancolie teintée de profonde tristesse (celle que l'on peut déceler dans son regard bleu?). Si l'amour se voit abordé de manière frontale (chose que n'avait plus fait l'artiste depuis l'immense succès de "Je t'aimais, je t'aime, je t'aimerai" en 1994), "A chaque amour que nous ferons" dégage également une impression désabusée, loin de l'engouement mélodique que pouvait laisser espérer un tel texte. De même, "Dans chaque coeur", mise en texte de crucifixion du Christ, se fait presque atmosphérique dans sa lenteur. Si les rimes restent un délice, la pertinence de la mise en musique fait question. Loin de la flamboyance de l'album précédent, il faut donc ici un peu gratter, chercher les perles. Celles-ci existent bel et bien : "Le pays d'à côté", fable écologiste agrémentée de choeurs africains séduisants, est sans doute le morceau le plus réussi de l'album. "Azincourt", narration poétique de la bataille du même nom, est d'une beauté difficilement descriptible, tout comme "Les tours gratuits", ode mélancolique de CABREL à ses filles devenues grandes, qui ont désormais quitté le nid.

Le ton est calme, CABREL se met parfois à scander et parler autant qu'il chante. La voix est devenue certes moins puissante, mais la fébrilité et la délicatesse qui faisaient son sel sont toujours présentes. Comme sur "La robe et l'échelle", le chanteur utilise sa voix 'doublée', même si le résultat est cette fois moins convaincant. Un hommage rock-bluesy à Mandela ("Mandela, pendant ce temps") apporte un peu de variété, tout comme le piano de "La voix du crooner", ballade blues aux faux airs autobiographiques, d'une grande tristesse, évoque des ambiances de bar enfumé.

Finalement, seul le lourdaud "Pas si bêtes" et ses cuivres demeure réellement dispensable. In extremis, tout hétéroclite qu'il soit, est un album riche et inspiré. Il manque, c'est certain, la fluidité de l'opus précédent, mais comment proposer deux chefs-d'oeuvre d'affilée ? Calme, posé, CABREL reste un artiste conscientisé qui a, quoi qu'il en pense, toujours sa place dans le paysage musical contemporain, tant sa recette reste inédite. Pour autant, cet album un poil plus complexe, et légèrement moins indiscutable que son prédécesseur, n'est pas tout à fait à la hauteur des espérances, très hautes après sept ans d'absence.

3,5/5

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   (2 chroniques)



- Francis Cabrel (chant, guitare, claviers)
- Freddy Koella (guitare, violon, mandoline)
- Bernard Paganotti (basse, contrebasse)
- Denis Bennarrosh (batterie, percussions)
- Michel Françoise (guitare électrique, basse, percussions)


1. Dur Comme Fer
2. A Chaque Amour Que Nous Ferons
3. Le Pays D’à Côté
4. Azincourt
5. In Extremis
6. Dans Chaque Cœur
7. Partis Pour Rester
8. Mandela, Pendant Ce Temps
9. Les Tours Gratuits
10. La Voix Du Crooner
11. Pas Si Bêtes
12. Les Fontaines Du Jazz



             



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