Cheveux au vent, moustache aux aguets, FRANCIS CABREL profite de l'engouement suscité par Les chemins de traverse, son deuxième album, pour revenir rapidement à la charge avec Fragile. Doté d'un titre fort peu approprié, Fragile montre au contraire un CABREL plus solide que jamais, prêt à conquérir le marché français. Conquis, ce dernier le sera, grâce aux deux morceaux ouvrant l'album, devenus des tubes dont chacun connaît encore aujourd'hui les paroles par cœur : "La dame de Haute-Savoie", premier single 'rock' de CABREL, mais également la ballade "L'encre de tes yeux" qui, bien plus travaillée mélodiquement que "Je l'aime à mourir" sur l'album précédent, s'impose alors comme un véritable standard de la chanson française.

Malheureusement placés tous deux au début de l'album, ces tubes occultent complètement le reste d'un troisième opus pourtant fort réussi. Doté d'une production impeccable (n'ayant pas pris une ride en 2010), FRANCIS CABREL poursuit dans une veine Folk-Rock, reposant cette fois-ci sur l'accent et la voix largement mise en avant du compositeur d'Astaffort, dont l'accent totalement assumé constituera la marque de fabrique.

Bien que durant à peine plus de 30 minutes, Fragile voit FRANCIS CABREL offrir quelques-unes de ces chansons les plus abouties : "Trop grand maintenant", dont la mélodie et le riff sont finalement bien plus intéressants que ceux de "La dame de Haute-Savoie", est sans doute le titre Rock 'brut' le plus réussi du bonhomme. "L'Encre de tes yeux" voit l'artiste s'en prendre à ceux dont le succès est monté à la tête, comme pour montrer que malgré le raz-de-marée de "Je l'aime à mourir, FRANCIS CABREL garde les pieds sur terre et reste proche de ses racines. "Elle écoute pousser les fleurs", le morceau suivant, jure par son côté folk prononcé. Toutes guitares acoustiques dehors, l'artiste nous propose une petite chanson d'amour champêtre fort peu connue et pourtant délectable de simplicité. Au contraire de "Je pense encore à toi", ballade solennelle marquée par la présence imposante d'arrangements symphoniques et dotée d'un refrain persistant. N'oublions pas non plus "Cool papa cool" et son piano jazzy qui, malgré ses nombreuses qualités propres, ne tient pas la comparaison avec le bien plus convaincant "Trop grand maintenant". Deuxième ballade folk, nouvelle pépite : "Si tu la croises un jour", agrémentée d'une mélodie acoustique peu originale mais hautement émotionnelle et poétique, s'impose sans crier gare comme une des plus belles compositions d'un FRANCIS CABREL décidément au sommet de son art. Une composition magnifique, au même titre que "Plus personne", nouvelle ballade mélancolique piano/guitare/voix, qui parvient sans peine à tirer des larmes aux auditeurs sous le choc. Et l'album de s'achever avec "Dernière chanson" dont l'ambiance n'est pas sans rappeler le titre "Les chemins de traverse" de l'album du même nom.

Seuls deux morceaux peinent à sortir du lot : "De L'autre Côté de Toi" qui, placé juste après "L'encre de tes yeux", fait bien pâle figure. "Le Petit gars", titre folk un peu poussif, est également en-deçà de la qualité globale de l'album.

Alternant toujours le rock et la folk, Fragile est néanmoins un album bien plus homogène que Les chemins de traverse. Album de la confirmation pour FRANCIS CABREL, il est composé de nombreuses pépites obscures occultées par deux tubes monstrueux. Reste le plaisir de redécouvrir des titres injustement méconnus et forts d'une qualité de composition que l'artiste peinera a égaler par la suite.