En fait, Double Tour est tellement parfait, si dénué de tout défaut qu'il devient difficile d'en parler, de se faire objectif afin d'en offrir un panorama exhaustif. Ce triple album live n'est pas un bon album de CABREL, il EST CABREL. On pourrait, bien sûr, toujours chipoter sur la setlist, sur le choix des arrangements, sur le manque de communication avec le public. Bien sûr, il y a autant d'avis sur cette encyclopédie qu'il y a de fans de CABREL. Voici néanmoins une sortie exceptionnelle qui clôt un chapitre glorieux dans la carrière du moustachu chantant.

Double Tour est en effet un témoignage live consacré à deux tournées : Samedi soir sur la terre et Hors Saison. Les deux albums étant tout bonnement excellents (en particulier le premier), comment cet enregistrement public pourrait-il être mauvais ? Celui-ci est particulièrement riche : 38 morceaux, répartis sur trois disques. Les deux premiers illustrant la tournée Hors Saison, par le biais de concerts enregistrés fin 1999 au Zénith de Toulouse et au Forest National de Bruxelles, mêle interprétations électriques et relectures acoustiques. Le troisième capté au Théatre des Champs-Elysées en avril 1996 se fait une vitrine délectable de l'album Samedi soir sur la terre, en reprenant bon nombre de morceaux tirés de l'album : "La cabane du pêcheur", devenu bien sûr un standard du moustachu, mais aussi les plus rares "Les vidanges du diable" et "Samedi soir sur la terre" dont les intonations doucereuses s'adaptent parfaitement à un contexte en public. De ce troisième disque, quelques pépites peu jouées en live font également leur petit effet : "Leila et les chasseurs", "Comme une madone oubliée", "Les chevaliers cathares" ou la reprise des "Passantes" de BRASSENS témoignent de la richesse du répertoire du moustachu. Un peu plus évidents, mais souvent interprétés dans des versions plus étoffées que leur pendant studio, les classiques que sont "Les murs de poussière", "Carte postale" ou "Rosie" prennent une nouvelle dimension délectable.

La richesse des disques 1 et 2 réside dans leur propension à favoriser les titres tirés de Hors Saison tout en ne délaissant pas les classiques inamovibles. CABREL, voix chaude et guitare délicate, nous fait vivre les paysages algériens décrits dans "Loin devant", l'esclavagisme de "Cent ans de plus", et interprète 9 titres des 12 qu'en comporte l'album. Les solennels "C'est écrit", "Tout le monde y pense" ou "Répondez-moi" auxquels se greffe l'énergie à la fois blues et folk de "Assis sur le rebord du monde", "Ma place dans le trafic" et "Sarbacane" offrent un panorama complet de l'oeuvre de l'artiste qui oppose la richesse des arrangements de ces titres avec le dénuement total de "Je l'aime à mourir", que le moustachu interprète seul, une mandoline en bandoulière, soutenu par un public totalement acquis à sa cause.

Rien à jeter donc. Il y a du neuf, du vieux réhabilité, du standard, de la rareté et même de l'inédit puisque la dernière piste du troisième CD est une reprise studio de "Quand j'aime une fois j'aime pour toujours", titre du chanteur québécois Richard Desjardins. Un triple album indispensable pour qui aime CABREL, cela va de soi.