Un an après Flower Power, la formule n'a pas changé. Alan est encore quelque peu "conditionné" et suscitera une grande indifférence du public, y compris le français à qui les singles semblent pourtant principalement dédiés. Car oui, rappelons que nous sommes à la fin des années 60, qu'Alan est en plein dans la mouvance rose psychédélique de l'époque, et que même en ayant publié Telenn Geltiek quelques années plus tôt, il n'est pas encore le grand ambassadeur des musiques celtiques. Cela n'arrivera qu'en 1970, soit encore un an à attendre.

Entre-temps, il s'occupe, on pourrait facilement dire qu'il tente de contenter sa maison de disques en proposant un digne successeur de Flower Power... Même sans être méchant, on pourrait le reconnaître.
Toutefois, l'insuccès a dû entraîner un resserrement du propos car seules deux chansons au lieu de quatre nous sont proposées ici. Autre chose : la tonalité est moins rock, moins psyché, et l'orchestre est un peu moins "lourd". Ce qui viserait presque à appprécier mieux ce deuxième single, d'autant plus que là pour le coup, la présence de la harpe apporte un petit plus, notamment sur la ballade "Crépuscule Sur la Rade".

Bien que chantée en français, cette chanson n'est au fond pas si éloignée des grands airs que le barde proposera plus tard avec une identité plus forte. La harpe est présente dès le départ et se fait enchanteresse, l'orchestre n'abuse encore une fois pas trop sur l'effet de masse. Les instruments à vents langoureux sont même plutôt jolis, tout comme le tapis de cordes en fond... Et il y a ce côté bien sûr romantique et poétique, qui nous présente une mer rapprochant les amoureux comme elle rapprochera les Celtes plus tard.

"Ballade Pour un Matin de Pluie" pourrait se situer dans le même style, mais la présence d'un tambourin puis de la batterie au milieu de l'orchestre vient ancrer un peu plus la chanson dans son époque. Ah, on y était presque ! Mais au risque de me répéter, ça reste joli et moins "lourd" que "Le Bourreau" par exemple. On reconnaîtra cette marque de fabrique qui allait vite disparaître, ces tournures typiques de la variété telles que le leitmotiv final "L'amour existe sous le soleil, moi je suis triste, j'ai de la peine."

Crépuscule Sur la Rade est peut-être un peu plus qu'un objet de collection, il est le témoin d'un léger progrès qui aurait pu continuer si c'était ce que Alan avait proposé tout le long de sa carrière. Fort heureusement, il a retrouvé plus qu'une réelle identité. Mais on remarquera que d'autres artistes bretons connaîtront un héritage direct ou non de ces parenthèses : Maripol mélangera folk et variété sur son premier album, et Gilles Servat mettra du temps avant de se réimprégner pleinement de ses racines celtiques musicales. Quoi qu'il en soit, on peut réécouter ces oeuvres méconnues d'Alan tranquille en se disant qu'il y a autre chose après. Et quel autre chose...