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Nicolas PEYRAC - Tempete Sur Ouessant (1993)
Par MARCO STIVELL le 11 Février 2022          Consultée 1107 fois

Il y a des albums que l'on souhaite réussis, sans rien en connaître ou presque. J'attendais beaucoup de celui-ci, en sachant combien Nicolas PEYRAC lui-même l'affectionne particulièrement (malgré, reconnaît-il, l'humeur triste qui le hante), en ayant en tête cette photo marine, ce titre "Tempête sur Ouessant" voulu par un Breton de cœur, ce que l'artiste a déjà montré de talent, enfin ce qui se faisait à l'époque du côté de la péninsule en musique, notamment chez les 'grands'.

Pas de celtitude réelle chez PEYRAC, on pouvait s'y attendre, mais au moins une poésie et une ambiance distinguées, en accord avec ce qui se fait de mieux. Chose surprenante, sans doute liée à cette histoire de contrat 'raté' (plus encore qu'avec les majors durant les années 80) avec Michka Music/Mad in France qui sabre quelque peu la diffusion de l'album sur le long terme, le livret CD reste des plus spartiates avec cette morne double pochette intérieure blanche, vide.

On en sait donc peu de choses : enregistrement toujours au studio Davout, comme l'album précédent, en compagnie de Philippe Valdès et Olivier Kowalski, présence de Bruce Gaitsch aux guitares et de l'ami Sebastian Santa Maria pour la dernière fois (le jeune talentueux claviériste chilien-suisse décède trois années environ après la sortie de l'album). Ce qui est déjà beaucoup tant la qualité du disque de 1989, réalisé avec le même personnel, est encore vive en mémoire.

En 1993 cependant, le son ne peut plus être tout à fait le même. La nouvelle décennie mise sur les rythmes électroniques, et cela s'entend dès le premier titre éponyme. Oui, mais de l'électro légère, propre à une certaine variété d'alors plus ou moins 'classe', avec un souffle funky et une belle forme d'élégance nouvelle, des pianos et autres claviers emplis de clarté. La basse mélodique, les guitares intelligentes de Gaitsch, souvent en feedbacks/échos/notes longues tenues, ou même la nylon programmée par Santa Maria s'y prêtent à merveille.

En parlant d'éléments naturels sous une grisaille teintée de bleu, de "tempête sur Ouessant", PEYRAC chante avec force nostalgie le besoin de confiance en soi, de ne pas s'attarder sur ce qui ne va pas. L'artiste a souvent traversé des périodes compliquées qui ont inspiré ses albums, mais rarement comme ici et dès le départ. Ce qui contribue, disons-le d'emblée (et sans faire pour autant l'éloge de la mélancolie), à ranger cet opus parmi ses meilleurs.

Cela ne fait que se confirmer par la suite. "Tout c'que j'ai vu", lettre adressée aux gens perdus en route avec les années, déroule ses paroles profondes, ses mélodies entêtantes sur plus de six minutes. Achevée, comme elle a été introduite longuement, par des instruments s'exprimant entre eux, avec ou sans tour de chant (quelques chœurs zoulous y compris), une grande pureté dans la guitare classique et les sons de claviers, ainsi que le retour du saxophone, légèrement plus prononcé que sur l'album précédent. La jam finale alors que le refrain continue, procédé rare, est saisissante.

Si on retrouve avec bonheur la clarté, voire la douceur pop-jazz de 89, PEYRAC écoute aussi beaucoup le grand Tom PETTY et ses HEARTBREAKERS à l'époque. En témoignent deux chansons jumelles au milieu de l'album dans leur enchaînement logique : "Pas d'sortie" (single principal) et "Crie". Leurs messages humanistes sont portés par ce son folk-rock d'époque, routier, californien, couplé aux claviers aériens. Plus loin, on a "J'regrette rien", un peu dans la même veine. Des efforts de qualité avec un Bruce Gaitsch on-ne-peut-plus inspiré, un rien U2 dans l'âme, même si ce ne sont pas les plus notables du disque.

Les ballades sont traitées diversement, avec du slow soul en règle, tout en son léché et boîte à rythmes TR-808, pour "J'vous aimais" (autre lettre pleine de regrets, saxo de retour) et la nouvelle version de "Love You quand même", depuis celle de l'album de 86 (le premier avec Santa Maria). Meilleures encore sont la délicate "Ceux qui nous aiment", "Tes incertitudes" où le chanteur s'adresse à sa fille qui a grandi, comme toujours trop vite dans le regard d'un père, ainsi que "Ces mots qu'j'écris", en pensant à une femme qui lui manque, qui s'en moque, trois beautés suaves et pures avec claviers et programmations à leur sommet, sans oublier la basse veloutée, d'autant plus que les arpèges de guitares acoustiques ou électriques en font les moments les plus folk.
Il y a aussi, de façon plus surprenante, le final en piano-voix de "Revenir pourquoi faire", en noirceur et vague à l'âme de grand adolescent fugueur, enfermé dans son éloignement tandis que les autres vivent 'dehors'. Le balancement des pensées est superbement illustré par le jeu staccato de Sebastian Santa Maria.

La photo de la pochette, œuvre de Pascale Fritz, et même dans un cadre serré, demeure la plus belle de Nicolas PEYRAC, et la plus 'parlante', évoquant le mieux l'album qu'elle contient. Il y a en cela, comme un écho lointain à son quatrième disque de 1977, lui aussi brillant et breton dans l'âme. Tempête sur Ouessant aurait pu être un chef-d'œuvre avec certaines chansons moins similaires que d'autres, notamment vers la fin. Il n'en reste pas moins un délice, un des albums perdus qu'il faut garder et ressortir dès que possible.

Note réelle : 4,5

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1. Tempête Sur Ouessant
2. Ceux Qui Nous Aiment
3. Tout C'que J'ai Vu
4. Tes Incertitudes
5. Pas D'sortie
6. Crie
7. Love You Quand Même
8. Fais Pas Comme Moi
9. Ces Mots Qu'j'écris
10. J'regrette Rien
11. J'vous Aimais
12. Revenir Pourquoi Faire



             



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