Après un album en demi-teinte (Pouvoirs) LAVILLIERS change de style et de look, fait de la musculation, part en voyage, rencontre d’autres cultures, d’autres musiciens. O Gringo est le carnet de route de ses expériences. Brésil, New York, Caraïbes… La musique se fait latino, et LAVILLIERS sur scène tente de se la jouer sombre argentin (bon en contre-jour sinon avec ses biceps il fait plutôt chef de gang mafieux).
RENAUD dans son morceau "Ma chanson leur a pas plu" décrit parfaitement le Nanard new-look : J'ai rencontré Lavilliers/Un soir à Geoffroy-Guichard/Dans l'enfer vert immaculé/J'lui ai raconté mon histoire :/La chanson s'passe à New-York/Y'a Jimmy qui s'fait flinguer/Par un black, au coin d'un bloc/Par un flic très singulier/Mais il était pas vraiment mort/Il était blessé seul'ment/Jimmy, il est vach'ment fort/Il est dealer et on l'dit lent.
Certes, LAVILLIERS en fait des tonnes, surjoue ses personnages, mais il faut admettre que cet album est superbe.

Il démarre par "Rock City", un peu facile et bâclé, mais la suite s'améliore avec la belle ambiance latino de "La Salsa" qu’il compare à une femme, puis "Traffic" au tempo de samba, que suit le premier sommet du L.P, "Sertao", un texte superbe sur cette région pauvre du Brésil. On retrouve l’écriture de LAVILLIERS, reporter/observateur mais aussi témoin. La guitare acoustique ouvre doucement le titre "Caruarú hotel centenario", suite princière, vue sur les chiottes, télé couleur, /courant alternatif. /Les pales du ventilateur coupent tranche à tranche l'air épais du manioc / Le dernier Texaco vient de fermer ses portes / Y a guère que les moustiques pour m'aimer de la sorte / Leurs baisers sanglants m'empêchent de dormir / Bien fait pour ma gueule ! J'aurais pas dû venir .../ Calé dans ton fauteuil tu écoutes ma voix / Comme un vieux charognard tu attends que je crache / La gueule jaune des caboclos, Antonio Des Morte / Capangas machos à la solde des fazendeiros.
LAVILLIERS utilise le nom des personnages (effet qu’il reprendra souvent par la suite en citant des écrivains, des films), les musiciens brésiliens sont superbes en contre-chant.

"Attention fragile" enregistré à Paris est assez incongru dans cet album, mais avec "Pierrot la Lame" on retrouve les ambiances chaudes des nuits de New York avec les musiciens latinos exilés dans la Big Apple.
Et puis deuxième sommet, les deux titres enregistrés à Kingston, LAVILLIERS intégrant/voguant sur la lame de fond de Bob MARLEY qui est à son zénith. Là encore, quelques mots en anglais pour faire 'plus vrai' le refrain de "Stand the Ghetto" : And I love the island in the sun / I and I know when and where I go /But it is so hard to feed my kids / But it is so hard to stand the ghetto assez simple pour être reprise en choeur par le public français. "Kingston" avec son soleil qui descend à downtown est de la même veine.
Beaucoup reprochent à LAVILLIERS de ne ramener que des cartes postales édulcorées et de visiter les pays en dormant dans des hôtels de luxe. Peu importe finalement, car le résultat musical est là, excellent.
Pour terminer, retour à ses premières amours, le poème "Est-ce ainsi que les hommes vivent" d’Aragon adapté par Léo FERRE, LAVILLIERS en donne une superbe version.
Cet album marque le début des 'aventures musicales de Nanard autour du monde'.