Après deux mauvais albums, LAVILLIERS est un peu attendu au tournant, sa réponse, Voleur de Feu, annonce la couleur dès la pochette. Il peint sur son visage à la couleur rouge sang la couleur du sentier de la guerre. A noter qu’à sa sortie l’album ne contenait que dix titres, et sur la version CD "Noir & Blanc" et "Seigneur de Guerre" (sortis en maxi CD en même temps que le L.P) ont été logiquement inclus. LAVILLIERS a repris son sac à dos et sa guitare pour explorer le monde, non pas celui de Chinatown à Paris ou des banlieues enfumées de Lyon, mais celui du vaste monde.

Bien sûr, la chanson phare est "Noir & Blanc" en duo avec Nzongo SOUL, contre l’apartheid qui sévit en Afrique du Sud, hymne anti-raciste fort où Nanard en appelle à Nelson Mandela, au Doctor FELA (The Black President, immense musicien nigérian) mais aussi aux écrivains Gabriel Garcia Marquez aux Cent Ans de Solitude, et l'Au-dessus du volcan de Malcom Lowry. C’est fort, puissant et humaniste. LAVILLIERS dans ce qu’il produit de meilleur.
L’autre chanson du maxi-45 est "Seigneur de Guerre", chant fort et conquérant qui évoque un guerrier massaï africain, avec les tambours de la brousse qui battent le rythme. Ici encore, se dégage une puissance musicale et vocale de folie avec des paroles qui à nouveau nous claquent dans la gueule : Noir comme le diable / Chaud comme l'enfer / Insaisissable / Seigneur de guerre / Rythmes forts/ Juste avant le jour / Pour les morts / Qui ont le coeur lourd / Les tambours / Battent aussi pour / Ton amour.

Les autres chansons, moins puissantes, retrouvent quand même un excellent niveau. "Funambules", au piano un peu bastringue, aux claquements de doigts et tempo jazzy, est très réussie. "Tango" est assez proche musicalement d'"Est-ce ainsi que les hommes vivent", le poème d’Aragon qui figure sur l’album O Gringo. "Frontière" à l'atmosphère lourde de poste de garde vraisemblablement en Amérique du Sud est traversé par des riffs puissants et brefs de cuivres. "Gentilhommes de fortune" est un superbe texte sur la vie misérable et difficile des chercheurs d’or en Amérique du Sud. LAVILLIERS fait de nouveau surgir des images fortes, ses mots sont puissants, on imagine aisément la douleur et la mort au travers du texte. La salsa "Borinqueno" évoque Porto Rico avec son refrain dansant qui s’incruste rapidement dans la tête : Si le diable ne nous reçoit pas dignement / De l'enfer, nous prendrons le gouvernement!.

La salsa est omniprésente sur "East Side Story", ici celle de New York avec les cuivres puissants des latinos.
"Midnight Shadow" nous présente Rocky le Rouge, le fils spirituel de James Dean, sur un tempo d’acier, cuir et motos, ça ne rigole pas dans le coin ! D’autres sont un peu un cran au-dessous, comme "La Haine" ou "Voleur de Feu" qui recycle le proverbe "Va où tu veux, meurs où tu dois", cela rappelle le Casablanca avec Bogart, retombant ainsi dans un de ses travers : le recyclage d’images déjà employées.

Globalement cependant, cet album ferme la parenthèse des deux précédents et reprend l’histoire là où O Gringo l’avait laissé. On retrouve le Nanard voyageur, conteur, un peu mythomane, gros costaud au cœur d’artichaut. Il était temps.