FAUST est né en 1969, s'est dissous en 1975, puis s'est reformé en 1990. Ça, tous les krautrockers sont censés le savoir, pas de souci. Ce qu'ils doivent savoir aussi, c'est que le groupe a sorti 4 albums entre 1971 et 1973, dont 3 d'entre eux sont cultes (Faust, So Far et Faust IV). Or, combien parmi eux sont au courant de l'existence de Faust V ?

Là, d'emblée, beaucoup moins de gens vont répondre. Et pour cause, Faust V fait partie des albums perdus, ceux qui n'ont jamais eu les honneurs d'une sortie studio en bonne et due forme. Pourquoi donc ? La raison est aussi simple que malheureuse : FAUST a enregistré des morceaux pas forcément finis, mais déjà bien avancés, à Virgin, qui l'a regardé avant de dire Non !. L'album a été annulé, FAUST était fauché, donc couic le groupe, c'est aussi simple que ça. Et dans l'absolu, une telle décision est un peu triste – même si cela nous a peut-être épargné une décrépitude lamentable à la CAN, qui sait ?

Par conséquent, Faust V est-il un bootleg ? Oui et non. Oui si l'on considère le fait qu'il faut se le procurer sous le manteau pour avoir la chance de l'écouter, et non quand on constate qu'il est recensé au sein de la discographie officielle du groupe. En fait, pour être dans le vrai, Faust V serait plus à considérer comme une démo non éditée qu'un vrai bootleg.

Enfin, 'serait'... Non, C'EST une démo, ne serait-ce que par rapport au son. La qualité est vraiment digne d'une cassette audio sur laquelle on aurait gravé à l'arrache la musique. Le mixage assez malheureux ne donne pas de relief aux morceaux. Il faut donc faire un effort auditif pour pouvoir bien capter ce qu'on entend, même s'il y a bien pire dans le milieu, certes. Et qu'en est-il des morceaux en eux-mêmes ? Autant ériger une vérité immédiate : si Faust V devait exactement ressembler à ça, on serait plus proche des Faust Tapes que de Faust IV. Ou bien du premier FAUST, le génie et la pertinence (dans l'impertinence) en moins. Au sein d'un seul morceau, des bribes de sons s'entrechoquent, au point qu'on a la sensation d'entendre plusieurs morceaux, comme un mouvement progressif, mais sur 4 minutes. "Party 10" en constitue Un bon exemple : Péron s'y tape un délire à base de trompette, avant que FAUST n'enchaîne sur un passage électro minimaliste pour finir sur des accords de guitares aussi sombres que mal joués. "Klaviernacht" présente un piano qui n'est pas du tout dans le rythme, avant de passer la main à une transmission radio accompagnée de percussions en roue libre. Bref, c'est le bordel, et même pas joli ni intéressant.

En fin de compte, seuls les deux morceaux les plus longs semblent concentrer l'intérêt de Faust V. "Munich A and B", en plus de s'étendre sur 25 minutes, présente un FAUST bien krautrock, mais aussi industriel et lorgnant bien fort sur le motorik, alors marque de fabrique de l'école de Düsseldorf. Quant à "Knochetanz", il joue sur le même genre de répétition, mais de manière plus rapide, avec une trompette en lead qui pourra cependant s'avérer peu agréable. Comble de chance, la première moitié de "Munich A and B" et "Knochetanz" se retrouveront dans une meilleure version au sein des compilations Munich and Elsewhere et 71 minutes of.

Faust V n'est pas un essentiel, une pépite oubliée de FAUST. Pire, ce serait une erreur de commencer l'aventure par cet album. La qualité sonore et surtout musicale ne rendent pas justice à la légende du groupe, et font de l'album le genre de disque réservé aux fans. Cependant, il reste une jolie pièce archéologique, à découvrir avec enthousiasme.