FAUST, de base, est un groupe peu accessible. Accrocher du premier coup à l'éponyme de 1971 ou à So Far s'avère donc peu probable, à moins d'être un expert en musiques 'de terroristes' (comme la noise music), par exemple. Pourtant, on pourrait naïvement penser que le groupe germano-français ne pouvait pas aller plus loin dans l'extrême musical. Sauf que ce serait là sous-estimer FAUST : apparaît en 1973 The Faust Tapes, un album atrocement difficile à écouter, même pour du FAUST.

La lecture de la tracklist, du moins celle de la version CD, a de quoi donner des sueurs froides : 26 morceaux répartis en 43 minutes, des morceaux d'à peine une minute, et dont une bonne moitié ne possède pas de titre. Forcément, on devine que ce n'est pas de la tarte. Le lancement de l'écoute le confirme : FAUST a pété un câble, et fait n'importe quoi. Mais vraiment, on n'est pas sur le premier album où les collages, aussi anarchiques soient-ils, offrent une cohérence des plus appréciables. Ici, ça gueule et ça joue de la guitare désaccordée, là-bas la batterie s'emballe de manière désordonnée, tandis qu'ailleurs un type semble découvrir la musique en torturant sa basse. Oui, vraiment, The Faust Tapes mérite son nom : c'est une compilation de démos et de morceaux enregistrés à la volée, sans aucun discernement ni exigence artistique. Une vraie attitude punk, en somme.

Parmi les morceaux de The Faust Tapes, certains sont plus longs et titrés, ce qui peut faire espérer une meilleure qualité. Ce n'est pas tout à fait faux, mais ils n'en sont pas moins déroutants. La palme revient au plus long morceau (7 minutes) où Jean-Hervé Péron, en plus de nous rappeler qu'il vient de la France, hurle ad nauseam J'AI MAL AUX DENTS, J'AI MAL AUX PIEDS AUSSI.. Le choc est toujours énorme pour qui découvre "J'ai Mal aux dents", au point que le rejet peut être de rigueur. On pourrait, à l'écoute, se dire qu'au bout de 2 minutes la psamoldie s'arrêterait au détour d'un 'Rock off', mais non, elle reprend de plus belle. Pour rester en territoire français, "Chère Chambre" conclut The Faust Tapes sur une note inattendue – surtout au vu de ce qui précède. Tranchant avec le krautpunk foutraque, FAUST livre une pièce acoustique dotée d'un texte a priori complètement loufoque, mais en vérité plus poétique que ce que l'on pourrait croire.

En prenant FAUST sous son aile après Polydor, Virgin a véritablement hérité de la patate chaude. Richard Branson, pourtant terriblement ambitieux et à contre-courant de ses collègues (du moins à l'époque), a dû littéralement déchanter à l'écoute des Faust Tapes. Pour le groupe, belote et rebelote : sa nouvelle maison de disques le forcera à réaliser quelque chose de vendable. Pas juste plus vendable, non, un disque qui ne détruirait pas les oreilles du public. FAUST respectera ce dernier point, mais uniquement celui-là, déterminé à ne pas plier devant le commerce. Ce qui ne l'empêchera pas de sortir un opus qui s'imposera à la fois comme leur disque le plus accessible et leur magnum opus, j'ai nommé Faust IV !