On avait quitté FAUST en 2014 sur une fausse note. L'une des références absolues du krautrock, se résumant depuis un bon moment au duo Jean-Hervé Péron/Zappi Diermaier, avait alors sorti un jUSt pas mauvais, mais pas bon non plus, un vrai album médiocre malgré quelques pistes vraiment intéressantes. Le signe d'un groupe vieillissant arrivé à son crépuscule ? On pouvait le craindre, mais la suite des événements a prouvé que non. Faust – ou FaUSt, pour être rigoureux – n'a pas cessé de tourner et de jouer aux quatre coins du globe, y compris aux États-Unis en 2016. C'est d'ailleurs à cette occasion que le duo a joué et enregistré avec des formations différentes, afin de délivrer une musique n'ayant plus grand-chose à voir avec le précédent effort studio, et surtout de la bonne musique, comme FAUST en a l'habitude.

Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'avec son dernier album en date, Faust ne se prive pas de marquer un coup. Fresh Air, sorti en mai 2017, est pour ainsi dire le meilleur album jamais sorti par le groupe depuis... Something Dirty (2011) ? Ça reste plausible, mais à titre personnel, je remonte plutôt à You Know FaUSt (1996), rien que ça.

Ce n'est pas forcément parce que la musique est radicalement meilleure, mais cela tient principalement au fait que Fresh Air est un album qui, en plus de renouveler la grammaire de FAUST tout en restant dans le rang, réussit à être un album 'coup de poing'. De par son audace musicale, mais aussi par le geste politique que lance FAUST. Péron le dit lui-même, dans "Chlorophyl" qui pastiche avec génie la Marseillaise : L'art pour l'art est fini. Une déclaration aussi brutale qu'engagée, à laquelle il est bien tentant d'adhérer. Après tout, où sont les artistes, notamment en musique, qui transmettent des messages à travers leur art ? Ou plutôt, que sont-ils devenus ? Et pourtant, il y a de quoi monter au créneau, comme le hurle Péron sur "Fish" (elle s'en fout la mer ! à propos de la pollution et des migrants). Et FAUST n'oublie pas d'être haut perché dans le texte par moments, en témoigne "La Poulie".

Fresh Air, ce n'est pas seulement des textes mordants et qui ne sont pas de l'art pour l'art. Il faut évidemment la musique qui va avec, et là encore, FAUST tape juste. Le morceau-titre qui ouvre l'album pourrait à première vue inquiéter. Après tout, cet alto monotone sur lequel un texte en polonais est débité pourrait renvoyer à la collaboration avec Tony Conrad, la voix en plus. Mais non seulement l'ambiance est clairement différente, car plus prenante ici, mais en plus Péron et Diermaier se mettent en branle à la moitié des 17 minutes du morceau, pour une musique trippante et répétitive, comme le krautrock sait si bien le faire. "Lights Flicker" démarre, quant à lui, dans une cavalcade krautrock redoutable, où Barbara Manning part dans une déclamation qui devient de plus en plus hystérique. Un pur bonheur à écouter. Oui, basiquement, FAUST, par l'exploration (ou plutôt le retour) à des sentiers plus incongrus, marque le pas par rapport à jUSt.

Engagé et addictif : voilà en deux mots comment résumer Fresh Air. FAUST n'est pas seulement une exception à tous ces groupes autrefois cultes et qui salissent leur propre mémoire, c'est aussi un groupe qui continue de surprendre et de proposer, même en 2017, une œuvre forte et en phase avec son temps.

Allons enfants de l'anarchie, notre jour de jouir est arrivé !