Beaucoup de gens sous-estiment The Ghost of Tom Joad alors qu'ils ont curieusement vanté les mérites de Nebraska. Certes, ce n'est pas le même univers, The Ghost of Tom Joad n'a pas été enregistré seul à la maison sur une cassette qui a traîné pendant des semaines dans la poche de l'artiste. Quelques musiciens sont invités à participer à The Ghost of Tom Joad, créant l'illusion d'un petit groupe pour une poignée de chansons. La rudesse du son laisse place à quelque chose de plus propre, les différents instruments sont beaucoup mieux mis en valeur. La grande part de blues souvent dynamique contenue dans Nebraska a presque complètement disparue (le seul morceau réellement apparenté à cette musique est ici "The New Timer"), laissant place à un folk aérien.
Ici, Bruce a déplacé son centre d'intérêt de la côte Est au grand Ouest des Etats-Unis, parlant cette fois plus volontiers en particulier de la vie à la frontière mexicaine, avec donc les immigrés laissés pour compte ("Sinaloa Cowboys" et "Across the Border" notamment). Il est aussi toujours question de meurtres et de récits d'après-guerres (celle du Vietnam), mais Bruce nuance un peu plus son propos comme sur "Galveston Bay" où le tueur renonce in extremis à son crime.
Musicalement, on est au sommet de ce que l'artiste peut proposer dans un domaine acoustique. Certes, ça peut paraître moins spontané qu'un Nebraska, mais comme résister à cette intimité dans laquelle nous plongent ces nombreuses chansons où Bruce ne s'accompagne que de sa guitare et d'une discrète nappe de synthé ? C'est bien lui qui m'aura fait découvrir cet manière de travailler et que je chéris encore aujourd'hui. Sans oublier bien sûr d'autres merveilles en groupe folk-rock (pedal-steel de Marty Rifkin, violon de Soozie Tyrell) comme "Youngstown" et bien sûr le titre porteur qui ouvre l'album, directement inspiré des Raisins de la Colère.
Dans un style strictement folk américain, The Ghost of Tom Joad reste ma principale référence.