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Bruce SPRINGSTEEN - Darkness On The Edge Of Town (1978)
Par SUNTORY TIME le 26 Janvier 2010          Consultée 12035 fois

Il aura fallu attendre trois ans pour que Bruce SPRINGSTEEN nous offre un successeur à l’explosif Born To Run, l’album qui l’a révélé aux yeux de l’Amérique. Non pas que le futur Boss eût du mal à trouver l’inspiration, mais les ennuis juridiques qu’il dut affronter face à son ancien manager Mike APPEL eurent raison de son enthousiasme, alors que le public lui apportait enfin la reconnaissance qu’il avait tant recherché. Il lui a donc été impossible de réaliser un nouvel album durant ces trois maudites années. Ce qui ne l’a pas empêché d’enregistrer une multitude de chansons, mais seules dix auront l’honneur de paraître sur le nouvel opus : Darkness on the Edge of Town, attendu de pied ferme par les nombreux fans qui n’avaient rien à se mettre sous la dent depuis Born to Run.

Ceux qui espéraient une suite à Born to Run seront déçus, car cette nouvelle galette nous livre une autre ambiance : plus posée (à l’image de la pochette), moins grandiose, plus sombre, mais pas que, contrairement à ce que nous laisse supposer le « darkness » du titre.
En effet, l’album s’ouvre sur une chanson au rythme enjoué, « Badlands », devenue depuis un grand classique des concerts. On retrouve les thèmes chers à l’apprenti Boss : les gens de rien, qui se tuent à la tâche pour un peu d’espoir, pour un avenir meilleur, ou pour tant de rêves vains. Texte triste pour musique joyeuse, SPRINGSTEEN est amateur de ce genre de paradoxe. D’autres chansons comme « The Promised Land » ou « Prove it all Night » sont dans le même registre.
On ignore souvent que SPRINGSTEEN est un guitariste confirmé, et il nous prouve sur cet album que sa célébrissime Fender Telecaster ne sert pas qu’à faire joli sur les pochettes de disques ou sur les photos de magasines ! Comme le montre le très rock « Adam raised a Cain », où la guitare au son nasillard domine toute la chanson.
Certain morceaux sortent du schéma classique couplet/refrain/couplet/refrain/pont/refrain et se révèlent très originaux, à l’image de « Candy’s Room », avec sa subtile mélodie au piano accompagnée d’un rythme de batterie réglé telle une salve de mitraillette (tatatatatatatatatatatatatatatata… etc !).

L’album contient aussi deux longues ballades. « Something in the Night » est lourde et musclée et rappelle par moment le « Backstreet » de Born to Run. Quant à « Racing in the Street », il s’agit assurément du plus beau morceau du disque. Jamais une histoire de course en bagnole n’a été aussi belle que sur ces presque sept minutes où le piano de Roy BITTAN nous plonge dans une douce mélancolie. SPRINGSTEEN, sous ses airs de rockeur viril, sait se faire d’une sensibilité à fleur de peau.
SPRINGSTEEN maîtrise à merveille les capacités de sa voix rauque : il alterne murmures et hurlements à volonté, comme sur « Adam raised a Cain ». Le E STREET BAND a trouvé sa forme quasi définitive depuis le précédent opus, et chaque musicien brille par son efficacité (la finesse du piano de Roy BITTAN, la régularité des percussions de Max WEINBERG, et le saxo mythique du « Big Man » Clarence CLEMONS).

En seulement 43 minutes, SPRINGSTEEN nous dépeint une Amérique glauque et peu enthousiasmante, où il faut se battre jusqu’au bout pour un minimum de bien-être, une Amérique d’espoirs, mais surtout d’illusions. Il se fait même satirique sur le monde du travail, éprouvant et répétitif (« Factory »). Oui, Darkness on the Edge of Town est sombre, mais on ne peut pas le résumer qu’à ce qualificatif, car certaines mélodies tentent de nous faire voir un peu de lumière, comme « Badlands » ou « The Promised Land » et son harmonica accrocheur. C’est un album résolument rock, non pas que Born to Run ne le soit pas, mais il s’agit-là d’un rock brut, carré, et terriblement efficace. Ce sont des chansons simples et sincères, loin des grandiloquences de son illustre prédécesseur, et c’est en ce point que Darkness… lui est supérieur.

Le seul vrai défaut de Darkness… est d’être relativement méconnu par rapport aux mastodontes que sont Born to Run, The River ou encore Born in the USA, mais il s’agit pourtant là de l’un des meilleurs albums que le Boss ait réalisé. Il marque la transition qui se profile entre Born to Run, qui a révélé SPRINGSTEEN comme un artiste prometteur de la scène rock de la deuxième moitié des 70s’, et The River qui va être l’album de la consécration mondiale.

En 1978, SPRINGSTEEN n’est pas encore le Boss, mais Darkness on the Edge of Town est l’une des œuvres fondatrices de sa légende. Un disque sombre, puissant et intelligent. Pour ceux qui veulent découvrir Bruce SPRINGSTEEN, je leur conseille vivement de s’égarer d’abord dans ces « Ténèbres des Périphéries » avant de plonger tête la première dans la vaste « Rivière ».

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   MARCO STIVELL

 
   (2 chroniques)



- Bruce Springsteen (chant, guitare et harmonica)
- The E Street Band:
- Clarence Clemons (saxophone)
- Danny Dedericci (orgue)
- Roy Bittan (piano)
- Garry Tallent (basse)
- Steve Van Zandt (guitare)
- Max Weinberg (batterie)


1. Badlands
2. Adam Raised A Cain
3. Something In The Night
4. Candy's Room
5. Racing In The Streets
6. The Promised Land
7. Factory
8. Streets Of Fire
9. Prove It All Night
10. Darkness On The Edge Of Town



             



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