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- Style : Jethro Tull
- Membre : Alan Simon

ANGE - Sève Qui Peut (1989)
Par MARCO STIVELL le 7 Août 2018          Consultée 2625 fois

ANGE s'est toujours placé en marge des gouvernements ; pourtant leur nouvel album de 1989, appelé Sève Qui Peut, révèle un fond politique autant que culturel. C'est Jean-Pierre Chevènement, maire socialiste de Belfort et ministre (anciennement de l'Education Nationale, alors de la Défense), qui leur commande une oeuvre pour célébrer le bicentenaire de la Révolution Française.

En 1987-88, la carrière du groupe franc-comtois prend un nouveau tournant puisque ses errances s'achèvent grâce à un simple retour sur lui-même et son passé. Les frères Décamps renouent avec Jean-Pierre Guichard, batteur des années 76-81 et, après les avoir invités sur un morceau du dernier album, proposent à Daniel Haas et Jean-Michel Brézovar, bassiste et guitariste fondateurs du groupe, d'être à nouveau membres à part entière. Un concert mythique est donné le 25 octobre 1987 au Zénith de Paris (album Tome 87, paru en 2002) et une compilation, Vagabondages, est publiée en 1989 pour accompagner le nouveau bébé.

Entretemps, ANGE fait d'une pierre deux coups en rappelant aussi dans ses rangs le guitariste Robert Defer, présent dans les albums Vu d'un Chien (1980) et Moteur ! (1981). Un choix étrange qui permet d'entendre pour l'une des rares fois de son existence un ANGE à deux guitares. Quant à Sève Qui Peut, il permet à Christian Décamps de se concentrer sur les paroles, tandis que Francis son frère se charge de la musique. Ce disque aurait d'ailleurs pu être un de ses albums solo.

Une chose est certaine, le nouvel effort proposé permet à ANGE de clôturer définitivement sa période difficile et d'interpeler les fans de la veille. Il y a un esprit conceptuel avec une dualité : d'un côté la narration d'un chêne appelé Querçus, planté dans la forêt du Rosemont ("c'est tout près de Belfort"), soit l'aspect "sève" du titre, et de l'autre, le "sauve qui peut", décrit par le récit de l'arbre, sur l'affrontement des hommes et la débâcle survenue il y a 200 ans.

Le premier morceau peut conforter le choix du retour en arrière, même si depuis le milieu des années 70, les choses ont changé. Ainsi, "Aimer/Haïr" a tout d'un "classique nouveau", développement narration-chanson-instrumental-narration, qui fait la part belle aux envolées de claviers et à la verve de Christian. Celui-ci joue comme avant sur la profondeur théâtrale, le lyrisme inhérent aux deux côtés de la passion, dans un registre à la fois clair et nerveux. Cependant, la nostalgie est moins présente et le Moyen-Âge, on s'en doute, totalement exclu !

Pas de Godevin ni de Mandrin. Ici c'est plutôt la marche à la mort, princes-sans-rire, représentation indubitable de Danton et de Robespierre. Pas d'orgue-synthé planant ni de mélodies merveilleuses, mais des nappes vaporeuses, des cuivres et saxos programmés ("Les Amours-Lumière", "Les Plaisirs Faciles"), une batterie à la lisière du zouk plutôt que du prog selon les moments et naturellement réverbérée, des slows 80's toujours, du rock FM ("Non !") et de la pop exotique dès le deuxième morceau. La réussite se hisse toutefois à un bon niveau, pas toujours certes mais un cran au-dessus du meilleur parmi ce que ANGE a produit depuis près de dix ans.

La chanson-titre qui ferme l'ensemble, comme quelques titres de la seconde partie, peuvent apparaître légèrement fatigants en termes de composition et de son. Une chanson telle que "Non !" prouve qu'ANGE serait mieux appréciable s'il minimisait les allusions sexuelles directes, ce qui n'est pas le cas ici. Ce titre qui peut facilement déranger les fans de prog reste loin d'être déplaisant: il montre la complémentarité aux guitares de Defer, taillé pour la technique rock soliste mastoc, et de Brézovar qui joue davantage sur la finesse qu'on lui a connue. À la Rickenbaker, la marque bien sentie de Haas est toujours appréciable, tout comme la frappe de Guichard dans les moments les plus rock ou les moins connotés 80's.

Même si tout n'est pas brillant sur Sève Qui Peut, l'ensemble est très clairement positif. Les bonnes idées se succèdent : la voix du narrateur et certains de ses discours qui offrent un beau tableau "nature" (le morceau-titre), les jeux de mots de Christian Décamps et son magnétisme ("Briser la Glace", excellent), la formation rythmique presque toujours bien gérée, les solos très inspirés (Francis Décamps sur "Non !", Brézovar sur "Briser la Glace"), et enfin les chansons, en majorité bonnes ou excellentes, que ce soit dans un rock sans concession ou un domaine plus langoureux et cosmique, voire progressif. L'album suivant sera encore meilleur !

Note réelle : 3,5

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   MARCO STIVELL

 
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- Christian Décamps (chant)
- Francis Décamps (claviers)
- Robert Defer (guitares)
- Jean-michel Brézovar (guitares)
- Daniel Haas (basse)
- Jean-pierre Guichard (batterie)
- + Bruno Nion (choeurs)


1. Aimer / Haïr
2. Vivre Avec Le Coeur
3. Les Plaisirs Faciles
4. L'or, L'argent Et La Lumière
5. Briser La Glace
6. Les Amours-lumières
7. Non !
8. Grands Sentiments
9. Sève Qui Peut



             



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