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ROCK PROGRESSIF  |  STUDIO

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- Style : Jethro Tull
- Membre : Alan Simon

ANGE - Le Cimetiere Des Arlequins (1973)
Par MARCO STIVELL le 21 Septembre 2018          Consultée 4691 fois

"D'abord, d'abord..." Il y a eu Caricatures certes, mais nous voilà à ce Cimetière des Arlequins qui ouvre une période de succès éphémère au rock progressif en France, tandis qu'outre-Manche KING CRIMSON, YES, GENESIS, Mike OLDFIELD et consorts sont dans leurs années les plus fastes.

1973, c'est l'année du deuxième album d'ANGE, l'avènement d'un rock théâtral à la française, la consécration de l'esprit rural face au pop-rock et à la variété urbains. Il y a eu certes les TRIANGLE, MARTIN CIRCUS et autres KOMINTERN du début des années 70, il y a MAGMA qui cartonne dans un registre plus fou, mais ANGE c'est autre chose. ANGE c'est "ailleurs", nouvelle forme de rêve plus accessible qui puise dans les campagnes ou seigneuries locales et va, logiquement, brasser des foules (première partie de Johnny HALLYDAY au Golf-Drouot, triomphe au festival de Reading). Une voie dans laquelle s'engouffrent des projets plus folk mais pas moins étonnants comme MALICORNE, lui aussi chef de file de son propre mouvement.

Reste que le Cimetière des Arlequins, s'il se pose à la fois en base et en proue d'un genre musical, n'est au final pas beaucoup moins brouillon que son prédécesseur Caricatures (1972). Le son ne rend pas toujours justice à la force du groupe et aux parties vocales de Christian Décamps, difficilement audibles parfois ("L'espionne lesbienne"). Certes, cela a son charme, cela donne un caractère brut, artisanal, et puis c'est psychédélique, adapté à la musique des Francs-Comtois. Les compositions sont meilleures aussi, un sentiment d'unité se dégage, mieux que dans Caricatures.

Le son peut faire mal aux oreilles, mais c'est un délice, même si on n'a rien pris au préalable dans un domaine illicite ; d'aucuns disent que c'est indispensable pour apprécier "Bivouac", nenni ma foi ! Et puis surtout, évitez de faire un bad trip sur la montée horrifique du "Cimetière des arlequins", ça ne pardonne pas, c'est la mort et la crypte direct, surtout si vous êtes seul au fond des bois ! L'effet Caricatures se poursuit, avec ce son rock lourd qui lorgne du côté de VAN DER GRAAF GENERATOR voire BLACK SABBATH. Le ANGE de l'année 1973 est peut-être le plus sombre et la rythmique volontairement pachydermique, façon "blues malade", y contribue beaucoup.

Gérard Jelsch à la batterie reste souvent décrit comme le meilleur musicien du groupe, mais Daniel Haas possède un son lui aussi. Jean-Michel Brézovar, qui prend quelquefois le micro de façon mal assurée mais convaincante, paraît bizarrement approximatif à la fin de "Bivouac", quand ailleurs il fait tant de merveilles. Même là, on apprécie la production aventureuse qui veut faire sonner le groupe en grand, dans la limite de ses moyens : passage des instruments d'une enceinte à l'autre, claviers gigantesques. D'ailleurs, on parlait de délice, et c'est surtout le cas dès que l'orgue-mellotron de Francis Décamps s'éveille ou se couche (la descente d'accords chromatique lente à la fin de "Bivouac (reprise)"), ou encore qu'il surgit et rugit, comme au pont de "Ces gens-là".

Ah, "Ces gens-là"... Le tube le plus connu de ANGE, une reprise de l'immense Jacques BREL, exercice casse-gueule, perdu d'avance ! Eh bien non car à côté de la version originale au minimalisme étrangleur tant il vous prend à la gorge, et vous en aimez cette douleur à la folie, Christian Décamps réalise une interprétation magistrale, une de ses meilleures. L'esprit est grandiloquent, cosmique, planant et superbement dérangé. La réverb', l'orgue en croches, le son de guitare blues, pas besoin de fumette ou de pilule pour apprécier, une nouvelle fois.

La pochette du Cimetière des Arlequins, non bariolée contrairement à ce qu'on pourrait attendre, est l'oeuvre de Jacques Wyrs pour un disque sombre et hanté, une sorte de rite païen aux frontières du Doubs, de la Haute-Saône et du Territoire de Belfort. "Aujourd'hui c'est la fête chez l'apprenti sorcier" parle d'invités magiques sur fond de rythmique hard/progressive, même pas forcément impaire, tandis qu'un piccolo farfadet se balade. Des poètes maudits se retrouvent le temps de parler d'une espionne lesbienne en laissant libre cours à leur verve scabreuse (du style "aujourd'hui, ça ne passerait pas !") tandis que des ménestrels bohémiens jouent une pluie d'arpèges au coin du feu. Les soeurs religieuses du début "Bivouac", quant à elles, ne louent certainement pas Dieu.

À tout cela, s'ajoutent quelques rythmes funk-latins durant certains développements bien déguisés en élans prog, des airs médiévaux décadents ("Le cimetière des arlequins"), le splendide "De temps en temps" pourtant bien plongé dans sa noirceur, la basse cotonneuse du dernier morceau et son final qui donne le départ des jeux aux lutins et démons (triangle avec écho, orgue-jouet).

"La route aux cyprès" enfin, respiration salvatrice, promenade à travers les chemins et collines éclairés par la lune et les étoiles, mais où plane néanmoins le spectre de la mort, avec un chant aussi délicat que les guitares acoustiques, la flûte traversière et le clavier. Mon morceau préféré, en bon fan de GENESIS et particulièrement de Trespass, mais Christian Décamps ne s'en cache pas : ce disque, entendu chez une amie parisienne en 1972 au moment du Golf-Drouot, les a beaucoup influencés, tout comme la rencontre entre les deux groupes à Reading où ils ont partagé la scène. En dépit de ses maladresses ou de morceaux pas forcément mémorables, Le Cimetière des Arlequins est un diamant noir de la chanson française, qui fut présenté comme tel et admiré par le public pendant un moment, il ne faut pas le lui enlever.

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   MARCO STIVELL

 
   JEREMY

 
   (2 chroniques)



- Christian Décamps (chant, orgue)
- Francis Décamps (claviers, chœurs)
- Jean Michel Brézovar (guitares, flûtes, chant)
- Daniel Haas (basse, guitare classique)
- Gérard Jelsch (batterie, percussions)


1. Ces Gens-là
2. Aujourd'hui, C'est La Fête Chez L'apprenti Sorcier
3. Bivouac (1ère Partie)
4. L'espionne Lesbienne
5. Bivouac (final)
6. De Temps En Temps
7. La Route Aux Cyprès
8. Le Cimetière Des Arlequins



             



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