En 1994, Alpha BLONDY sort Dieu, son troisième album en 3 ans, composé de 12 titres, ce qui est bien au-dessus de la moyenne de ses précédents opus.
Et, comme on a pu s’en rendre compte par le passé, les deux indicateurs que sont la densité et la fréquence de ses albums permettent souvent de se faire une idée de leur qualité. Plus ses disques sont longs, moins Mister BLONDY ne se donne le temps de creuser ses compositions, et le résultat en pâtit d'autant plus.
Cela se confirme à l’écoute de ce neuvième album qui ne parvient pas à se hisser au statut de classique dans la discographie de l’Ivoirien.
Alors certes, nous n’avons pas affaire à une catastrophe, loin s’en faut. Mais l’ensemble manque par trop souvent d’un peu de passion, de travail et de relief.
Si les deux premiers titres peuvent faire un moment illusion avec leur reggae primesautier et moderne qui se montre assez efficace, la suite se révèle bien plus redondante et inachevée. Encore une fois, on ne sombre pas dans le mauvais, mais on ne retrouve pas ce petit supplément d’âme propre à nous faire décoller.
L’intro, tous cuivres en avant et les chœurs de "Wild Time", laissent espérer un morceau de bravoure, mais rapidement le titre se met à ronronner gentiment.
"Amour papier longueur" avec sa batterie trop mécanique évolue également entre deux eaux. Le rythme enjoué, les cuivres très présents et le refrain chanté avec conviction sont du plus bel effet, mais la mélodie manque de relief, de surprise.
De surprise, il en est question avec "La guerre", une transposition du célèbre "War" de Bob MARLEY (1976, Rastaman Vibration), qu’Alpha BLONDY reprend en traduisant les paroles en français. Paroles qui sont inspirées d’un discours prononcé par Haïlé SELASSIE, devant l'Assemblée générale des Nations-Unies en 1963. Las, le chant trop timoré peine à apporter la solennité qui sied si bien à ce titre emblématique.
Mon père avait raison, un des moments forts du disque nous montre qu’Alpha BLONDY, lorsqu’il est au sommet de son art, ou lorsqu’il s’en donne la peine, est capable de nous pondre de petits bijoux de Reggae.
Mais ce n’est qu’un des rares moment de grâce de Dieu. Et dès "Rocking Times" on retombe dans le dispensable : un morceau qui s’allonge sans provoquer de frissons, à l’exception de son magnifique solo de guitare très Rock, comme Alpha BLONDY aime parfois en embellir certains de ses morceaux, et qui est l’œuvre de Patrick RONDAT. Ce dernier étant également crédité sur "Wild Time".
Que dire du poussif "Heal Me" ? Probablement le titre le plus faible de l’album, sirupeux jusqu'à l’écœurement.
Il faut ensuite attendre "Afrique Antilles" pour qu’un nouvel éclat de soleil éclaire Dieu. Ce titre étonnant dans le catalogue d’Alpha BLONDY est enrichi de Steel drums qui lui donnent un charme inhabituel, et renforcé par une fraîcheur qui fait souvent défaut aux autres morceaux. Le résultat, s’il n‘est pas renversant, a tout au moins le mérite de surprendre. Et c’est là une des qualités habituelles de l’artiste qui lui fait défaut, cette capacité à nous déconcerter parfois, à oser, à transgresser.
Mais ce n’est pas pour cette fois et nous sommes là confrontés à un album trop linéaire qui pâtit au surplus d’une orchestration trop massive qui lisse toute aspérité, tout relief.