Pour la première fois de sa carrière, Alpha BLONDY prend son temps pour sortir un album. Alors qu’il avait proposé pas moins de 6 albums en neuf années, là il a pris au moins trois ans avant de sortir Massada.
Cela est très palpable en terme de résultat : pour la première fois, il nous présente 14 titres, contre les 7 à 9 qu’il proposait habituellement. Et comme la qualité est enfin de retour, après 2 albums très décevants, il y a tout lieu de se réjouir de ce retour en grâce. Là où on peinait à extraire de The Prophets (1989) et de Revolution (1987) plus de 2 à 3 titres intéressants, ici nous sommes bien en mal de pointer du doigt un seul titre réellement dispensable.
Mentionnons la qualité du son qui rend enfin justice aux compositions d’Alpha BLONDY. Organique, clair et puissant, celui-ci contribue à propulser l'album dans une autre dimension.
Les musiciens participent également grandement à cette réussite. La basse de "Massada" est particulièrement efficace, de même que les percussions de "Multipartisme", les claviers de "God Is One", les guitares de "Yéyé", sans publier les cuivres dans la quasi-totalité des titres.
De "Massada", au rythme chaloupé et à la belle section de cuivre, jusqu’à l’entrainant et tendre "Mystic Night Move", il n’y a pas de fautes de goûts. Et à l’image de ces deux titres, on passe allègrement d'un Reggae pure souche à une Pop efficace et lumineuse. "Peace in Liberia" dévoile sa facette la plus ancrée dans le Reggae alors que le très Pop "Rendez-vous" s’inscrit plus dans la continuité de son hit, "Sweet Fanta Diallo". Nous avons même droit à un petit OVNI, comme c’est souvent le cas dans ses disques, avec "Yéyé", un titre assez Rock, dont le rythme enjoué en fait une réelle réussite.
Cette diversité se retrouve encore une fois dans les langues puisqu’Alpha BLONDY alterne les paroles en anglais, en français, et en ce qui me semble être du Dioula. Parfois même au sein d'un même titre.
Comme toujours, l’ivoirien fait preuve d’un humanisme et d’un pacifisme à toute épreuve. Il en appelle à tous les (bons) sentiments humains pour militer, successivement, en faveur de la paix au Koweït qui a été le théâtre en 1991 de l’opération donnant son nom à la chanson "Desert Storm", puis au Libéria ("Peace in Liberia") alors au début d’une crise politique et militaire qui entraînera la mort de 3% de la population du pays entre 1989 et 1997.
Son discours est truffé de références philosophico religieuses qui piochent dans toutes les chapelles pour prôner la tolérance et la fraternité entre ce qu'il appelle ses frères.
Les paroles ont clairement gagné en profondeur, ce qui n’était pas bien difficile au regard de la pauvreté de certains des textes de sa période précédente. Il est toutefois dommage que le livret qui accompagne ce disque ne comporte aucune traduction de celles-ci, tant cela écarte un grand nombre d’auditeurs de leur compréhension et, de ce fait, réduit un peu le charme et la portée de certaines compositions.

Il n’en reste pas moins que Massada est une très bonne nouvelle. Après un début de carrière très prometteur, et un passage à vide à la fin des années 80, ce disque remet Alpha BLONDY en selle et prouve à quel point il doit être considéré comme un grand monsieur du Reggae mondial.