En 2011, cela fait quatre années que Alpha BLONDY ne nous a pas donné de nouvelles vinyliques. Et si ses deux dernière offrandes, Merci (2002) et Jah Victory (2007)), étaient plus que réjouissantes, force est de constater que le rythme de sa production studio s’est considérablement ralenti puisque ce Vision est seulement son troisième album en dix ans.
Malheureusement, le chanteur ne parvient pas à réussir la « passe de 3 » car ce disque est bien loin d’égaler en intérêt ses deux magnifiques devanciers.
A l’image du morceau d’ouverture, "Rasta bourgeois" dont le riddim ronronne gentiment, nous avons un peu le sentiment que les mélodies n’ont pas été suffisamment soignées. De ce fait, les titres défilent sans provoquer beaucoup d’étincelles ou d’émotions. La faute en revient principalement à des arrangements qui manquent cruellement de saveur et de relief. Et qui ne permettent pas à des compositions, qui ne brillent déjà pas par leur originalité, d’être mises en valeur.
L’ensemble n’est pas foncièrement mauvais, mais c’est bien trop dépourvu de caractère et de piment pour susciter l’intérêt. Cela se reflète dans "Stewball", la reprise du titre popularisé par Hugues AUFFRAY. En effet, cette habitude qu’est alors en train de prendre Alpha BLONDY d’inclure une reprise plutôt inattendue dans chacun de ses albums manque ici sa cible. Là où sa reprise du "Wish You Were Here" de PINK FLOYD enrichissait Jah Victory, ici, une fois qu’on a digéré la surprise du choix de ce classique d’Hugues AUFFRAY, il ne se passe pas grand-chose à son écoute.
De manière générale, trop souvent, les morceaux souffrent d’un excès de chœurs qui, au surplus, ont un peu tendance à tous se ressembler. Loin d’insuffler du rythme et de la fraicheur, cela tend plutôt à alourdir les titres.
On le voit, il n’y a pas grand-chose qui semble aller droit dans ce Vision. Même les tentatives d’introduire de la nouveauté, comme c’est le cas avec l’Auto-tune que l’on peut trouver sur "C’est magic", semblent bien maladroites au final.
Souvent, le chant est mal servi par des paroles qui manquent de musicalité, et souffre d’une absence de fluidité. C’est ainsi le cas de "Ces soi-disant amis", un titre par ailleurs doté d’une très belle partie de guitare. Ce qui est également le cas de "Ma tête", "Trop bon" et "Rasta bourgeois", autant de morceaux toutefois illuminés par des soli très forts. Dans ce dernier, Clinton Rufus, le guitariste des GLADIATORS, se montre particulièrement flamboyant. Mais cela ne suffit pas à faire de Vision une réussite. Surtout qu’au surplus ces résultats en demi-teinte se reflètent dans les thèmes abordés dans Vision.
Le chanteur, habituellement plutôt combatif et positif, s’y montre particulièrement pessimiste et critique ("Ces soi-disant amis", "Trop bon"…).
Il y a tout de même quelques titres qui tirent un peu leur épingle du jeu. Comme l’amusant "Vuvuzela" dans lequel le chanteur prône l’utilisation du préservatif de manière humoristique. Ou bien "Le Cha-cha-cha du CFA" qui pourfend le néocolonialisme dont la zone franc est un des outils. Mais cela ne suffit pas à sauver un disque guère convaincant.

Soulignons toutefois l’initiative d’Alpha BLONDY qui propose Vision en série limitée sous la forme d’un coffret de deux disques, dont le second volume « Les Môgôs du Temple » est consacré à de jeunes artistes ivoiriens qui évoluent dans des univers proches du Reggae. C’est l’occasion d’une très belle découverte en la personne de MIRAK, et du titre "Tête en l’air".
Cette même générosité, cette humanité d’Alpha BLONDY s’expriment également dans le livret qui accompagne ce CD et où il prend une nouvelle fois partie contre les tenants de l’ivoirité en clamant : « Vive les Etats-Unis d’Afrique ».
Malheureusement, de bonnes intentions ne suffisent pas à faire un bon album.