DEPECHE MODE est un groupe étrange, très étrange même. En tout cas, c’était mon ressenti de très jeune homme de 11 ans devant le clip (objectivement magnifique) de "Enjoy The Silence". Sollicité par tout un tas de choses qui en valaient plus ou moins la peine (l’école, les filles, les jeux vidéos), je laissai là l’affaire, dans un coin de mon cerveau encore intact, dans la case 'pour plus tard'.

Puis, vint le temps d’ouvrir cette fameuse case. A peu près 9 ans s’étaient écoulés depuis. A l’aube des années 2000, bien loin de m’exciter pour la musique de mon temps (à quelques importantes exceptions près), je ressentais plutôt le besoin, en compagnie de rares et précieux camarades, de revenir, entre autres, à la new-wave et donc, au son massif et chaud (sous entendu 'humain') des années 80. Et DEPECHE MODE faisait obligatoirement partie du lot.

C’est avec l’excellent Music For The Masses que je renouai enfin contact, et cette fois-ci pour de bon, avec l’un des premiers poulains (aux côtés de Boyd Rice et Fad Gadjet, soit dit en passant) de l’écurie Mute Records, propriété d’un certain Daniel Miller. J’ignorais encore à l’époque que le live dont il est question ici était autant représentatif du style DEPECHE MODE. Un best of, quasi !

Enregistré à Pasadena le 18 juin 1988, ce 101ème et dernier concert se répartit deux disques. La première partie du disque 1 est consacrée comme il se doit à Music For The Masses, avec les inévitables et irrésistibles "Pimpf", "Behind The Weel", "Strangelove" et surtout le très inspiré et raffiné "Sacred". Bien que les versions live ne diffèrent pas grandement des versions studios, on sent le groupe, Dave GAHAN en particulier, de plus en plus à l’aise avec un public conquis d’avance.
Un vrai moment de grâce est atteint sur le sublime "Stripped" de Black Celebration. Ses nappes de synthés qui vous vont droit au cœur, comme une évidence. Ceux qui ont vu les images de ce titre ne peuvent oublier les sourires de pur bonheur arborés par les membres du groupe – mention spéciale à Alan WILDER. Mais…aaargh !...la première et fort heureusement dernière faute de casting dans cette imparable setlist est commise avec "Somebody" qui casse quelque peu l’ambiance solennelle du titre précédent. Cela dit, et c’est tant mieux pour les Anglais, le public ne semble pas de cet avis ; les jeunes filles surtout…
On termine le premier disque en beauté avec le très intime "Things You Said".

Le deuxième disque relève encore l’excellent niveau d’un cran. "Black Celebration" ouvre somptueusement le bal et, à partir de là, plus aucun temps mort. Le groupe est chauffé à bloc ; les tubes s’enchaînent avec un naturel qui frise la perfection. "Nothing" par exemple, déjà superbe sur l’album studio, atteint ici son exécution optimale grâce à un succulent sample de guitare qui la prolonge comme il faut. Ou encore l’imparable "Pleasure Little Treasure", sorte d’hommage assez évident à KRAFTWERK. Sans oublier les deux hits incontournables de Some Great Reward, à savoir "People are People" et le très accrocheur "Master and Servant".
Le moment culte de ce live de légende est clairement "Never Let Me Down Again" avec sa célèbre levée de bras par la foule, reprise depuis à chaque fois que le groupe interprète cet absolu classique.
Ce 101ème concert s’achève sur deux sucreries synth-pop, "Just Can’t Get Enough" et "Everything Counts", qui prennent ici une dimension presque religieuse, rendant obsolètes les versions studio. Le final de "Everything Counts", scandé par 75 000 personnes, donne une certaine idée de l’infini. DEPECHE MODE vient de conquérir l’Amérique, tout simplement.

On peut regretter les scandaleuses absences de "I Want You Now" et "To Have and to Hold". Puisque Music For The Masses est représenté ici presque en intégralité, pourquoi diantre ces deux titres n’y figurent-ils pas ? Mais je pétouille. Je cherche la petite bête là où, très objectivement, il n’y a pas grand-chose à redire.

A noter enfin que le film ainsi que le documentaire issus de cette performance sont tout aussi essentiels que ce précieux double-album.