Tu n’aimes pas mon portrait bobo bien pensant à charge de Ted NUGENT et tu te préoccupes seulement de gammes pentatoniques ? Je t’invite à sauter le premier paragraphe, autant t’épargner des reflux gastriques. La politique repointera néanmoins son nez dans le second paragraphe via les paroles, c’est inévitable.

Pour les autres, l’actualité du bonhomme est foisonnante depuis la sortie de son dernier album. Le Nuge s’est finalement fait virer du conseil d’administration de la NRA qui ne pouvait plus décemment couvrir ses dérapages toujours plus embarrassants (1). Il est allé rejoindre un lobby de chasseurs et de défenseurs du second amendement pour lequel il joue les porte-paroles. Tonton Ted continue de soutenir que les dernières élections présidentielles ont été truquées et que Biden est un traître à la nation. Il le répète tous les jours en ligne dans des interventions d’une heure où il se rend malade à force de déverser sa haine sur les Démocrates. Il a chopé le Covid (certains dont Dee Snider s’en sont minablement réjouis), il a morflé sévère mais s’en est sorti, le Covid est donc une arnaque. CQFD, non ? Évidemment antivax, il avance le droit de disposer de son corps (Pro-Choice) qu’il interdit dans le même temps aux femmes souhaitant avorter (il est Pro-Life). Son credo : aller systématiquement à l’encontre des fact-checkers, toujours d’infâmes gauchistes et pas la peine de prouver ce que lui assène, il lui suffit de recourir à l’argument rhétorique du bon sens commun forcément infaillible, en levant les yeux au ciel (2). Il a bien sûr pris fait et cause pour Kyle Rittenhouse, acquitté d’un double meurtre et a déclaré que celui-ci s’était comporté en héros. On le voit, le Nuge est plus que jamais un spécimen sociologique passionnant et un parfait représentant de l’Alt-right Trumpiste dans une Amérique divisée en deux camps à l’heure de la post-vérité qui ne dialoguent plus, ne s’écoutent plus, ne se supportent plus. Dernière info et non des moindres, sur le plan capillaire, le Tedinator se laisse pousser la barbe et fera un superbe Père Noël d’ici la fin de l’année.

Alors bien sûr, il eut été facile de se livrer en bon justicier masqué à un jeu de massacre en se concentrant sur les faiblesses de ce nouvel album (qui ne manquent pas) pour régler son compte au vilain NUGENT. Mais le chasseur a plus d’un tour dans son sac et Detroit Muscle est loin d’être déshonorant. D’abord parce qu’un Tonton Ted qui fulmine et transpire la haine par tous les pores, ça sert de carburant idéal à son hard rock primaire et prolétaire. Le morceau-titre, hommage à sa ville d’origine et réponse du berger à la bergère à Alice COOPER qui ne l’a pas convié sur son Detroit Stories est une belle entrée en matière punchy qui défouraille comme il faut. « Just Leave Me Alone » poursuit dans cette voie avec une réelle efficacité et on se dit qu’on donnerait cher pour avoir la même pêche à cet âge-là (73 ans). « American Campfire », une ode Herta aux plaisirs simples du feu de camp, lieu d’échange des vraies valeurs américaines fait aussi le job à tel point que je chantonne le refrain crétin à mon corps défendant depuis trois jours sous la douche.

Le souci, c’est qu’on ne peut pas s’empêcher de penser qu’un peu de travail supplémentaire n’aurait pas été du luxe pour proposer des morceaux globalement plus convaincants. Sweaty Teddy l’a récemment avoué avec sa franchise habituelle, il n’écrit pas des chansons, il les éjacule. Précocement avec ça, la plupart des compos dépassant à peine les deux minutes. Rien de mal à ça, la spontanéité est un ingrédient essentiel du rock mais « Come and Take it » par exemple qui reprend le slogan des assiégés du fort Alamo à l’adresse de ceux qui veulent légiférer contre les armes à feu recycle paresseusement le refrain de « Good and Ready » sur l’album Nugent. « Born in the Motor City » est un blues speedé en 12 mesures, structure éculée s’il en est. L’ultra-concis « Feedback GrindFIRE » dans lequel il beugle comme un possédé va dans le mur et tourne en rond dès sa première minute. « Alaska », métaphore de son pays, à la gloire d’un éden pur en voie de disparition et « Leave the Lights On » dans lesquels il chante plus posément s’en sortent un peu mieux mais quel dommage de ne pas avoir transpiré davantage sur l’écriture d’autant qu’il peut compter sur une excellente section rythmique (Jason Hartless fait des étincelles en Keith Moon moderne).

Bilan mitigé donc pour un album vite expédié de 34 minutes à l’image de la dernière piste, une énième relecture du « Star Spangled Banner ». Et que je te remette une couche de patriotisme, se dit-on ! Certes, mais sa version n’est pas mauvaise du tout.


(1) Il a aidé à faire passer une loi au Texas pour légaliser le mitraillage depuis hélicoptère des sangliers (responsables de gros dégâts, c’est un vrai problème). Lors d’une conférence rémunérée, il aurait commenté : « Si seulement on me laissait survoler South Central maintenant ». Une blague aurait-il ajouté.
(2) Il est incapable de prononcer deux phrases d’affilée sans évoquer les « Truth, logic and common sense ».