Entre la parenthèse Hamlet et la formule Derrière l'Amour, Johnny fait un choix rapide et décide logiquement de modeler la suite de sa carrière sur ce dernier, avec ses grands succès. Celui-ci ira decrescendo néanmoins, mais un disque comme C'est la Vie (1977) fait partie de ceux qui suscitent le plus grand respect pour l'idole des (désormais moins) jeunes et son entourage musical.

Tout semble aller très bien pour lui, comme il le dit sur la chanson correspondante, la numéro 9 du disque ; on peut d'ailleurs constater que le temps n'a pas d'emprise sur lui, il chante d'une manière sarcastique, comme c'était le cas en 69. Il est aux studios de Boulogne-Billancourt, il a Jacques Revaux auprès de lui qui va lui fournir de nouveaux hits comme en 76.

Au moins un en tout cas. La pochette expose un HALLYDAY qui ne va pas si bien, engoncé dans son costume et serré dans un coin de salle à la peinture terne, comme s'il abordait l'avenir à reculons. En tout cas, C'est la Vie nous montre partiellement un Johnny fragile, nostalgique. C'est cette carte-là qui est jouée pour le tube du disque, "J'ai Oublié de Vivre".

Elle est composée par Jacques Revaux tandis que le texte est de Pierre Billon, un copain artiste connu grâce à Michel SARDOU et qui avait joué sur l'album Rock'n'Slow (1974). Sa première participation écrite à un album de Johnny est pleine d'éclat, tout simplement magnifique, un qualificatif qui reviendra beaucoup moins dans l'avenir pour ce futur collaborateur proche.

Avec sa ritournelle, ses envolées de cordes, son arpège de guitare acoustique, "J'ai Oublié de Vivre" possède un caractère hippie nostalgique, tandis que l'interprétation se révèle sans faille pour un texte déjà bien marqué. C'est une des meilleures chansons des années 70, de sa carrière, tout sceptique de Johnny est susceptible de l'aimer.

On retrouve des éléments communs sur "C'est la Vie", le morceau d'ouverture emprunté à EMERSON LAKE & PALMER (le fameux groupe de rock progressif), avec plus d'emphase mais une classe certaine et un très beau solo de guitare électrique. Un single est paru quelques mois avant l'album, en 77 aussi, contenant "Il Neige sur Nashville", encore une très jolie chanson qui garde cette veine acoustique. On pense naturellement au King Elvis PRESLEY, décédé cette même année, et on la trouve en bonus sur le CD.

Un parfum fin d'années 70 flotte à travers ce disque, dans le son des guitares, l'utilisation de synthétiseurs d'époque comme l'ARP Pro-Soloist (faux hautbois) et le Solina (échantillons de cordes), les rythmiques employées. Il y a d'ailleurs des éléments presque disco sur "Les Filles du Paradis" (et sur "Le Coeur en Deux", l'autre chanson du single susmentionné), mais aussi du bon rock des familles.

À ce titre, on regrette que Long Chris achève sa participation à la carrière de Johnny avec un titre aussi médiocre que "Le Rock'n'Roll Est Né", même musicalement c'est lourdingue, dommage pour Erick Bamy, doublure vocale de Johnny en concert. C'est le seul temps mort d'un disque avenant, dans lequel on préfère "Je Suis Vraiment Très Bien" (toujours par Long Chris), le slow "Un Homme Comme les Autres", écrit par Pierre Delanoë, ou alors le country "Au Secours" qui surfe sur l'effet rythmique folk torride à la "Gabrielle" mais en plus lent.

Il y a encore la rage de "C'est Pas Comme ça Que Tu l'Oublieras", un blues-hard lent avec cuivres comme Johnny en fera souvent au cours de la décennie suivante. Puisque la formule Jacques Revaux marche bien, autant l'employer jusqu'au bout. Outre la diversité musicale, ce sont des orchestres qu'on embauche et qu'on crédite en un seul bloc, et non plus des groupes personnalisés. Le batteur Tommy Brown fait une apparition et compose un peu, tandis que Jean-Marc Deuterre et Roger Loubet gèrent la direction musicale. Du très bon travail !