Inner Spirits est un album de compositions originales, le second véritable album d’Ed STARINK, publié en 1985 pour le compte du label néerlandais Arcade Records dont il fut un fournisseur régulier. C’est sur ce catalogue que furent publiés la plupart de ses albums de reprises de variété ou de musiques de films jusqu’en 1986. En parallèle, Ed STARINK a publié entre 1982 et 1984 cinq albums (chiffre à relativiser du fait de l’abondance des repiquages d’un disque à l’autre) de reprises mélangées façon macédoine en barquette – c’est accessoirement un concours de la pochette la plus moche.
Le plus frustrant dans tout ça est que ces semi-compilations (les électroniques de 1982-84 mais aussi les thématiques à partir de 1985 chez Arcade) contiennent également des compositions inédites d’Ed STARINK ("Syndrome", "Synsation", "Space Shuttle", "Huascáran", "Plane Funk", "Japanese Desert" et des versions alternatives de "Cristallin" ou "Danse Extatique"), bien souvent indisponibles ailleurs, et parfois de haute volée, et qu’avec la suite "1984" et les morceaux électroniques dispersés au milieu de pistes orchestrales (Dansen Meet Je Doen, Moving Rhythm – cf. chronique correspondante), il y avait de quoi faire un ou deux albums supplémentaires. Je rêve, que dis-je, je fantasme d’un jour débouler dans les archives d’Ed STARINK et de faire publier une anthologie de toutes ses compositions.

Au milieu de ce bazar, surnage l’album Inner Spirits, passé relativement inaperçu du fait qu’il a été publié sous le nom Star Inc, un recueil de treize compositions, parmi lesquelles les trois premiers titres de Cristallin (1981) (qui n’avait pas encore été réédité, alors ça va, on pardonne) ainsi que "Julia 1984" issu de la suite "1984", qui sera intégré à la réédition de Cristallin en 1991 et dont nous avons déjà parlé. Il reste donc neuf morceaux pour trois quarts d’heure dans la continuité de Cristallin, à ceci près qu’Ed STARINk fait cette fois l’impasse sur la facette épique de sa musique (la suite "Le Fantôme De L’Esprit") pour privilégier une musique calme et facile d’écoute (de l’Easy Listening, quoi), le tout suivant les évolutions techniques de l’époque (Fairlight CMI et Synclavier, mais pas de Yamaha DX7).

Voilà le problème de cet album : sans l’éclectisme et la profondeur sonore de Cristallin, cet enchaînement de ballades et mid-tempos sonne un peu creux. L’ensemble est à la fois trop sec et trop homogène, d’où une certaine transparence et une moindre force d’impact qu’avec Cristallin et "1984", et dans une moindre mesure les autres compositions de 1982-84. Seul "Pink Flow" renoue avec le son analogique, c’est le seul des neuf nouveaux morceaux à ne pas être enregistré directement en digital; je ne serais pas étonné d’apprendre que ce morceau soit issu des mêmes sessions que l’album de 1981.

La composition est pourtant tout à fait du niveau. Ed STARINK montre sa maîtrise des registres mélancolique et romantique sans verser dans le pathos; il y a encore une certaine progressivité dans le développement musical. On peut citer le canon de samples vocaux de "On Wings Of Whisper", les relativement rythmés "Wavelengths" et "Visages Unborn" qui anticipent d’une certaine manière le Metropolitan Suite de SYNERGY de par ce mélange de structure pop et d’élaboration mélodique, ou la sensualité de "Phantasm" (hahaha). Certains morceaux comme "Inquisite Voices" ou "Inner Spirits" montrent une continuité musicale avec le premier album (le côté prog sus-cité), quand d’autres comme "Pebbles In The Pond" et "Joy Train" montrent un autre horizon musical, proche des ballades de Klaus NETZLE (alias Claude LARSON), dans l’usage des samples du Fairlight : les nappes de flûte, les lignes de basse détaillées.

Voilà, Inner Spirits, ou plutôt les neuf inédits de Inner Spirits, forment un ensemble assez réussi, mais il manque quelque chose qui relance l’attention de l’auditeur. Ceux qui ont apprécié Cristallin peuvent quand même se laisser tenter. Par contre, l’édition vinyle est à éviter car faisant l’impasse sur le dernier morceau "Joy Train".