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MARILLION - Sounds That Can't Be Made (2012)
Par SUNTORY TIME le 18 Mars 2013          Consultée 10918 fois

Il est temps de prendre un petit peu de recul sur l’année qui vient de s’écouler. Sans être l’ultime cycle terrestre avant l’apocalypse, 2012 a été une année richissime sur le plan musical. De mon point de vue, je n’ai jamais autant découvert d'artistes ni été autant gâté par les sorties d'albums de groupes plus anciens. Si ARCHIVE et SWANS font partie des formations dont la nouvelle offrande était attendue avec une excitation exacerbée (et quelle extase au final !), il en est une autre que j’attendais de pied ferme : MARILLION.

En nous présentant sur le net une de ses nouvelles compositions, le groupe de Steve Hogarth (qui nous a déjà gratifiés d’un très bel album solo avec Richard Barbieri cette même année) nous a rassurés : "Power" possède tous les atouts de la musique de MARILLION. Mélodie savamment arrangée, refrain puissant et transition énergique font de "Power" une vraie réussite dans le format chanson.

Mais appeler un album Sounds That Can’t Be Made, cela peut paraître un poil prétentieux. Certes, la musique de MARILLION est d’une richesse et d’une puissance toujours aussi grandes après 30 ans de carrière, mais on ne peut pas dire qu’elle soit des plus novatrices ni avant-gardistes. Le groupe d’Aylesbury se laisserait-il aller à une vantardise mal venue ?
A l’écoute de la chanson-titre, je n’irai pas jusque là, tant ses claviers testostéronés nous ravissent, nous entraînant jusqu’au changement rythmique et mélodique typiquement progressif où c'est au tour d'un solo de guitare du toujours très en forme Steve Rothery de nous bercer. Un jour tu me joueras des Sons qui ne peuvent être créés, chante Steve H. de sa voix forte et parfois éraillée, renforçant l’émotion de ce très beau titre enthousiasmant.

Sounds That Can’t Be Made est un album dont le format rappelle les grands disques des années 90, alternant, en huit titres, des chansons pop finement taillées et des mastodontes progressifs de toute beauté. On repense au superbe This Strange Engine et à son magistral titre éponyme, ou encore à Marillion.com et à son barré "Interior Lulu". Mais ici, il n’y a pas un, mais trois (ou plutôt deux et demi) grands titres progressifs de plus de dix minutes ! MARILLION n’avait pas osé des formats aussi longs depuis le chef-d’œuvre Marbles, huit ans plus tôt. Et pour le coup, "Montreal" étire ses quatorze minutes en un récit de voyage et une déclaration d’amour à la métropole quebécquoise. Steve H. s’est rarement fait aussi autobiographique car c’est l’histoire du groupe en tournée au Canada qu'il y relate, rappelant la mémoire de Joni MITCHELL et de Leonard COHEN. La musique, émouvante et douce, dont les rythmes variés collent au texte, nous permet de partager l’émotion que Montréal a suscitée dans le groupe.

"The Sky Above the Rain", moins progressive, s’étire de très belle manière au cours de sa conclusion forte et émouvante. Une histoire d’Amour, encore une, qui ne fonctionne pas sur terre, Il et Elle se cherchent, s’approchent, s’évitent, n’arrivent pas à se comprendre. Ce serait tellement plus facile dans le ciel, dans le bleu du ciel, au-dessus des nuages lourds de pluie, au son de quelques ultimes délicates notes de piano.

Mais toutes ces grandes chansons ne sont pas grand-chose. Les belles ballades "Pour My Love", "Lucky Man" et "Invisible Ink" ne sont rien non plus, face à ce titre qui les souffle les unes après les autres, les écrase par sa longueur, son intensité et sa rage.
Tel est "Gaza", monumental titre d’ouverture de dix-sept minutes. Soit le deuxième plus long titre du groupe après "Ocean Cloud". Mais la taille ne fait pas tout, messieurs. Et au-delà de ce quart-d’heure et quelques, la musique a rarement été aussi forte dans l’histoire du groupe, et rarement aussi sombre. "Gaza", ça va de soi, porte sur le conflit israélo-palestinien. Sujet casse-gueule : comment ne pas tomber dans le mélodrame ? Mais Steve H. y arrive avec brio car, mis à part le titre de la chanson, il n’est fait aucune allusion au lieu de l’action, mais on comprend aisément de quoi il s’agit en lisant les paroles. Et la Musique alors ! Une intro ambient inquiétante, des guitares grasses et méchantes comme on n’en avait que très rarement entendu chez l’esthète Rothery, une fureur qui nous éclate à la figure comme les tirs d’un camp qui font exploser les maisons du camp adverse.

Des passages plus calmes viennent faussement apaiser l’ambiance pour mieux nous prendre à revers lors des nouvelles salves de guitares, lourdes comme des chars blindés écrasant le peu que possèdent les enfants de Gaza. Entre les opérations guerrières et les cessez-le-feu musicaux, la misère de Gaza reste terriblement présente. C’est comme un cauchemar sorti de ce petit bout de terre, se penchant sur Bethléem. L’enfant de la chanson contemple, de ses yeux qui ont déjà perdu leur innocence, la situation absurde de cette terre. Mais il veut croire que la paix est encore possible, de façon naïve et pieuse, mais il y croit : Un jour, c’est sûr, quelqu’un viendra nous aider…. Conclusion toute en riffs de guitare, lente et désespérée, jusqu’à l’ultime phrase, chantée en chœur et a capela. Finir un tel monument de cette manière relève du talent le plus grand. Oui, "Gaza" est clairement une des chansons les plus abouties de MARILLION, talonnant de très près "Ocean Cloud" pour l’intensité dégagée, la richesse progressive, l’émotion ressentie. "Gaza" est plus agressive, plus crade presque, mais c’est ce qui rend le titre absolument jouissif.

Voilà peut-être le seul vrai défaut de Sounds That Can’t Be Made : l'introductif "Gaza" occulte les autres titres, même l'imposant "Montréal", pourtant tous très réussis. Il faut dire que c'est un titre isolé dans l'album par son caractère sombre et violent. Pour le reste, le disque tient toutes ses promesses, si ce n’est bien davantage, relativement aux albums précédents.
Somewhere Else était tonique, mais manquait cruellement d’ambition, Happiness Is the Road souffrait d’exactement l’inverse, très ambitieux et riche, mais trop mou. Il est clair que Sounds That Can’t Be Made ne garde que les qualités de ses prédécesseurs, et le travail de programmation de Mick Hunter y est pour beaucoup, à l’égal de ce que Dave Meegan avait fait pour Marbles.

Sounds That Can’t Be Made ne propose peut-être rien de nouveau, contrairement à ce que son titre indique. Il n’empêche que MARILLION nous offre ici son meilleur album depuis Marbles. Un très grand cru à déguster, même après de nombreuses écoutes.
Allez, la note maximale parce que, franchement, sortir un album pareil après trente ans de carrière, ce n’est pas donné à n’importe quel groupe. Quand je disais que 2012 était une grande année.

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   SUNTORY TIME

 
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- Steve Hogarth (chant, guitare, claviers, percussions)
- Steve Rothery (guitares)
- Mark Kelly (claviers)
- Pete Trewavas (basse, choeurs)
- Ian Mosley (batterie)
- Michael Hunter (mixage, programmation)


1. Gaza
2. Sounds That Can’t Be Made
3. Pour My Love
4. Power
5. Montreal
6. Invisible Ink
7. Lucky Man
8. The Sky Above The Rain

- Macking Sounds (bonus Dvd Deluxe Edition)
1. Macking Sounds (the Macking Of)
2. Power (live At Racket Club)
3. Pour My Love (live At Racket Club)
4. Lucky Man (live At Racket Club)



             



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