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CHANSON FRANçAISE  |  STUDIO

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Hubert Felix THIEFAINE - Stratégie De L'inespoir (2014)
Par MANIAC BLUES le 28 Février 2015          Consultée 6484 fois

Hubert-Félix Thiéfaine ne s’était pas fait photographier d’aussi près depuis 1998 et Le Bonheur de la tentation. Entre 2005 et 2014, l’objectif de l’appareil s’est progressivement rapproché du visage du chanteur. Le noir et blanc est toujours de rigueur, et le bandeau qui barre les yeux de HFT jette un voile de mystère. Au delà de son pouvoir graphique très fort, ce bandeau peut susciter de multiples interprétations. Je le vois comme un certain aveu d’impuissance, HFT chante un monde qu’il ne reconnaît plus, se réfugie dans la prose ou les vers de ses idoles – Baudelaire, Céline – qui appartiennent désormais à un monde révolu. Il se lance dans une critique ô combien paradoxale de Facebook et des réseaux sociaux, réveille les fantômes du goulag de Karaganda, et explore des souvenirs avec nostalgie. Sur Stratégie de l’inespoir, HFT est obsédé par le temps, un temps sur lequel il n’a pas de prise (si ce n’est par les mots), un temps qui change sa perception du monde, un temps qui le pousse à fouiller sa mémoire pour comprendre le présent. Avec les yeux bandés, HFT est plus à même d’explorer son intériorité, à sonder le passé et les bribes de mémoire qui subsistent.

Stratégie de l’inespoir est un album à la tonalité sombre, plus encore que Suppléments de mensonge. Fini l’humour décalé, fini la légèreté surréaliste. Une chape de gravité surplombe l’ensemble des chansons. La réalisation de l’album à été confiée au fils de Thiéfaine, Lucas, et à Dominique Ledudal. On retrouve à la composition certains fidèles, JP Natal, Arman Méliès, Jeanne Cherhal, Cali.

Son obsession pour le temps qui passe ressort dans la plupart des chansons, notamment dans « Toboggan » où il dit écouter "l’accélération du temps", ou encore « Résilience Zéro », exploration de ses rêves d’enfance. Et quand il regarde le présent, l’histoire contemporaine, il déplore le manque d’humanité de notre civilisation. Dans le texte de « Médiocratie », il lâche les mots avec une certaine violence : nous sommes "baisés grave & manipulés devant nos écrans de facebook, on n’a qu’un pseudo pour rêver & s’inventer un autre look". Rappelons quelques faits : Thiéfaine a une page facebook active qui rassemble une communauté de plus de 180 000 "j’aime". Nul doute que Thiéfaine n’est pas en charge de sa page, quand bien même… Facebook lui sert à promouvoir son album. Il faut être cohérent. Sa critique tombe complètement à plat. Surtout que « Médiocratie » a été composée comme un hymne taillé pour les stades, est-ce que ses fans, ceux qui ont liké sa page facebook, reprendront en chœur le refrain fédérateur "médiocratie, médiacrité" ? Tout cela fleure bon… l’aveuglement.

Où est passé le sens de l’humour de Thiéfaine ? Même s’il compose des textes assez fantaisistes, par exemple celui de « Célingrad » en hommage à Céline, les aspérités de ses vers se noient dans une musique sans grand intérêt, mélange de pop-rock et de variété. De manière générale, il y a un décalage entre le texte et la musique, qui manque de caractère et souffre d’un premier degré et d’un sérieux regrettables. Les textes, disponibles sur le site web de HFT, sont plus beaux à lire qu’à écouter.

Thiéfaine n’a-t-il plus le droit de divaguer ? Le chanteur se pose la question dans « Stratégie de l’inespoir » : ‘d’aucuns me disent rebelle & d’autres ignifugé 
mais mes divagations n’emmerdent plus personne, 
je caresse mon corbeau en chantant Duruflé 
& joue pour les voyous virés de la Sorbonne’. Ces paroles plutôt humoristiques sont chantés avec un sérieux plombant, avec un accompagnement tout aussi plombant qui rend le texte involontairement ridicule. On aimerait justement que Thiéfaine divague un peu plus et qu’il n’abandonne pas sa légèreté.

Thiéfaine n’est plus vraiment le poète maudit qu’il a pu être. Il est désormais reconnu de son temps. Il vend de nombreux disques, fait des grosses tournées et bénéficie de l’unanimité des critiques. Et c’est tant mieux. Revers de la médaille, Thiéfaine est en train de s’institutionnaliser et de devenir un monument de la chanson française. Un nouveau statut qui peut être lourd à porter.

Pas désagréable à écouter, Stratégie de l’inespoir contient son lot de bonnes chansons, mais manque d’audace, de piquant, d’aspérités musicales. A la fin du disque, Thiéfaine devient même complètement rasoir lorsqu’il pousse la chansonnette sur les médiocres « Toboggan » et « Père et fils ». Thiéfaine savait qu’il partait perdant après le succès artistique et commercial de Suppléments de mensonge. Ce dix-septième album ne vient pas le contredire.

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1. En Remontant Le Fleuve
2. Angélus
3. Fenêtre Sur Désert
4. Stratégie De L'inespoir
5. Karaganda (camp 99)
6. Mytilène Island
7. Résilience Zéro
8. Lubies Sentimentales
9. Amour Désaffecté
10. Médiocratie
11. Retour à Célingrad
12. Toboggan
13. Père Et Fils



             



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