Si vous n'êtes pas réfractaires à l'idée d'écouter quatre ballades au sein d'un même album de hard rock, alors il n'est pas exclu que G. devienne votre album-fétiche de GOTTHARD. Après avoir passé quatre ans et deux albums (de qualité) à peaufiner sa musique, trouver le bon dosage entre hard rock mélodique et influences blues, entre la ressemblance naturelle avec la voix de David Coverdale et le développement d'une identité personnelle, le groupe suisse propose avec son troisième opus une alchimie bluffante entre feeling et efficacité.

G. démarre en mettant tous les atouts de son côté. Du blues, il y en a dans "Sister Moon", énergique à souhait, sur lequel un harmonica et une guitare slide viennent porter des ambiances américaines déjà développées dans l'opus précédent. Ici, l'équilibre est parfait et le morceau s'impose de lui-même comme un futur indispensable du groupe en concert. Plus tard dans l'album, "Hole In One", qui pour sa part ne deviendra pas un classique, témoigne de ce même équilibre, tout en faisant preuve d'une "férocité" supplémentaire qui contentera les amateurs de la facette la plus mordante des Suisses.

Et du mordant, il y en a. A commencer par le titre le plus percutant de l'album, "Fist In Your Face", qui est comme son nom l'indique un véritable coup de poing en pleine gueule. La rythmique, à la fois sautillante et plombée, soutient avec brio un propos agressif porté par un riff à classer comme un des plus efficaces de la décennie, rien que ça. Un morceau de bravoure qui n'a guère d'égal dans cet album, et qui sera régulièrement joué en tourné, sans pour autant devenir un incontournable dans le répertoire live du groupe. Dans une veine similaire, "Make my day" et sa cow-bell ou "Lay down the law" décoiffant d'énergie solidifient les fondations "hard burné" du groupe, sur lesquelles vont pouvoir venir se greffer et s'épanouir tout un tas d'ambiances variées. Il y a là du hard rock hédoniste, dont l'objectif n'est autre que de proposer un plaisir immédiat, à l'image de la reprise de Bob DYLAN "Mighty Queen", ici très musclée, ou "Ride On", efficace et léger, agrémenté de claviers très présents. Il y a également un rock plus lourd et sombre, à l'image de "In The Name", un des meilleurs titres de cet opus, qui traite avec justesse des guerres de religion. L'ensemble donne à l'album une profondeur appréciable.

Et puis il y a les ballades. Deux se succèdent en milieu d'album, et donnent surtout à apprécier la performance vocale bluffante de Steve Lee. Si on apprécie également le jeu de guitare de Leo Leoni, "Father Is That Enough" et "Let It Be" ne montent pas à la cheville de LA grande ballade de cet opus, "One Life One Soul", à la fois poignante de intimiste, qui est, c'est une évidence, une des plus grandes ballades du hard rock. Ecoutez-là, vous comprendrez. Enfin, "He Ain't Heavy, He's My brother", renoue avec des influences plus américaines, une steel guitar et un harmonica conférant une ambiance country à ce titre final porteur de calme après une bonne dose de hard rock débridé.

Désormais bien lancée, la carrière de GOTTHARD se voit renforcée par ce troisième album sans faute de goût, qui se hisse à la première place des charts suisses et devient disque de platine dans ce pays où le groupe donne également une tournée à guichets fermés. En dépit de la constance des trois premiers opus du groupe suisse, nul doute que G. est celui qu'il vous faut s'il ne fallait en choisir qu'un.