En 2011, GOTTHARD est un groupe qui revient de très loin. Suite au décès du chanteur Steve Lee sur cette foutue route du Nevada le 5 octobre 2010, le groupe a pris le temps de fermer les écoutilles et de se recentrer sur lui-même. Le temps du deuil ? Pas vraiment, car à l'heure où j'écris ces lignes le processus semble toujours en cours chez le leader et guitariste de la formation Leo Leoni. Mais le temps d'envisager ses options, de peser le pour et le contre, de mettre la clé sous la porte ou de tenter de faire renaître le groupe de ses cendres. C'est cette option que le groupe choisit début 2011, lorsqu'il annonce vouloir continuer et débuter les auditions afin de recruter son nouveau chanteur. Bien entendu, les projets dans les tuyaux sont soit abandonnés (un D-Frosted II était en cours de préparation), soit retardés. Il en va ainsi de cet album live, dont la diffusion initialement prévue pour le printemps 2011 est retardée afin de permettre au groupe de prendre le temps de préparer ce qui allait être un bel hommage à leur camarade disparu.

C'est ainsi quasiment un an après la rencontre tragique avec ce putain de camion que GOTTHARD publie ce nouveau live. Capté le 17 juillet 2010, il s'agit d'un des tous derniers concerts donnés par le groupe en compagnie de Steve Lee, ce qui renforce naturellement l'émotion qui s'en dégage. De plus, et comme l'indique son titre Homegrown, c'est dans la ville suisse italophone de Lugano, lieu de naissance du groupe, qu'a été capté ce concert qui, donné sous une pluie battante, nous permet d'entendre donner de la voix un public hétéroclite et bruyant. De l'eau a coulé sous les ponts depuis le précédent live Made in Switzerland, qui voyait GOTTHARD réaffirmer son hard rock bluesy et puissant après quelques expérimentations plus mélodiques. En effet, durant la deuxième moitié des années 2010, le groupe a eu le loisir de proposer des albums particulièrement efficaces et inspirés, à l'image du splendide Domino Effect, auquel succède en 2010 un Need To Believe toujours réussi bien que légèrement moins marquant. Le groupe en propose ici 5 extraits, à commencer par "Unspoken Word" qui, un peu fragile en studio, s'affirme ici en live grâce à un refrain flamboyant qui met en avant le large spectre vocal de Steve Lee. La power-ballad "Need To Believe" ou le résolument passéiste "I Don't Mind" sont quelques autres grands moments mettant en valeur cet album. Il n'y a guère que poussif "Unconditional Faith" qui nous semble ici superflu.

Porté par un chanteur ici au sommet de son talent d'interprète, GOTTHARD puise dans son passé récent, proposant les deux bombes tirées de Domino Effect que sont "Gone Too Far" et "The Oscar Goes To...", ou va chercher quelques pépites plus lointaines, interprétées dans le cadre d'un sympathique medley acoustique ("Sweet Little Rock 'n' Roller", "Angel"), ou faisant la part belle au duo de guitaristes Leo Leoni / Freddy Scherer ("Firedance"). Les indispensables ballades "Heaven" et "One Life, One Soul" sont naturellement au menu, mais se voient représentées en plus petit nombre que sur le précédent live. Espiègles, Leo Leoni et Steve Lee se lancent dans une joute guitare / voix amicale et bluffante avant que le groupe ne balance un "Sister Moon" à la puissance intacte. C'est avec émotion que le concert s'achève avec "Anytime Anywhere", devenu un classique immédiat de la formation helvète.

En complément, le groupe nous propose l'ultime enregistrement studio de Steve Lee, la ballade intimiste "The Train" (initialement censée figurer sur le D-Frosted II précité), ainsi qu'un DVD présentant quelques extraits d'un concert donné dans la même ville de Lugano en décembre 1999 (notamment le rare "Hey Jimi", tiré de l'album Open). Cet album live était sans doute ce que Leo Leoni et ses camarades pouvaient faire de mieux afin de rendre hommage à Steve Lee, dont la voix reste à jamais gravé dans sa magnificence sur cet enregistrement qui marque la fin d'un chapitre de l'histoire de ces éternels rois du hard rock suisse.