Les critiques musicaux ont tendance à avoir en tête le paradigme voulant que Music for the Masses et Violator soient LES références de Depeche Mode et à utiliser toutes sortes de moyens pour dénigrer ce qui a suivi. Trahison, fadeur, dispersion, défection, etc. etc. C'est amusant, on a un peu le même phénomène avec les albums des années 90 de Madonna. Enfin bref, Songs of Faith and Devotion et Ultra sont extrêmement solides et sont de toute façon mes préférés. Comment peut-on ne pas reconnaître la force des chansons présentes sur ces deux albums... jamais Martin Gore n'a mieux composé qu'à cette époque.

Sur Ultra le bien nommé, on reprend l'éloge de la lenteur de Violator et le rock «à la NIN» de Songs of Faith and Devotion pour proposer une nouvelle recette tout aussi crédible que les deux précédentes. J'ai vraiment toujours eu une impression de force tranquille ici. Ce côté paisible est sans doute explicable car le groupe est passé par la tempête et en est sorti. Les excès de Dave Gahan ont bien failli le tuer. Dire qu'il est un miraculé n'est pas exagéré... en 1996, il a survécu à une overdose après un arrêt cardiaque de deux minutes. D'autre part, Alan Wilder a quitté le groupe. Connaissant son rôle dans la production, c'est loin d'être un détail. La sortie de ce disque était donc plutôt inespérée.

Toutes les chansons me semblent très bien écrites ici. «Barrel of a gun» et «It's no good» bien sûr, deux grands singles au succès mérité. Mais aussi «Home», «Useless», «Freestate», «The bottom line»... Le tout dans un style très balisé. Peut-être trop, c'est un reproche qu'on pourrait faire bien sûr. Personnellement, ça ne me gène pas, mais il est vrai qu'il y a peut-être quelques longueurs... tout comme Violator, Ultra est une œuvre qui nécessite d'être écoutée en prenant son temps. Le style est donc un retour à l'électronique, avec encore quelques guitares mais surtout des effets un peu sales voire étranges, à l'opposé du caractère lissé de l'électropop des années 80. On peut faire un parallèle avec Nine Inch Nails, de nouveau, mais aussi tout simplement avec le krautrock... ainsi, le petit morceau bonus, «Junior Painkiller», me fait étrangement penser à l'introduction d'Atem de Tangerine Dream. On ne saurait avoir de meilleures références en matière de musique posée...