On peut reprocher ce que l’on veut à IRON MAIDEN, mais certainement pas de manquer de générosité ni de combativité. Après une série de 4 albums avoisinant les 70’, les Anglais franchissant cette fois-ci le pas nous délivrent un double-album de 92’. On sait que ce type d’exercice est souvent délicat tant il est difficile de capter et de conserver l’attention de son auditoire sur une si longue durée. A l’époque, beaucoup se sont néanmoins réjouis de cette initiative, et de la prise de risques l’accompagnant, j’en ai d’ailleurs fait partie.
Malheureusement, malgré sa pochette réussie, l’ouvrage ne passe pas le cap d’une réécoute attentive quelques années plus tard, et s’avère même être le moins bon opus depuis la 'réunification' du groupe.

Tout commence pourtant parfaitement avec "If Eternity Should Fail", oeuvre de Bruce Dickinson. Belle intro orientale avec un chant mystérieux, bons riff et couplets, superbe refrain, belles parties instrumentales et conclusion intrigante. Même le texte est au top, on tient de loin le meilleur morceau de l’album et celui qui incarne le mieux le concept du 'Livre des âmes'.
La suite immédiate n’est pas mal "Speed of Light" tient bien la route et j’aime particulièrement la cloche de Nicko sur le bon riff d’intro. Dans le rayon des titres corrects, on peut ajouter sur le disque 2 "Death and Glory" (rien d’incroyable non plus), et éventuellement "The Great Unknown" sur le disque 1. "Shadow of the Valley" au bon refrain aurait pu les rejoindre, mais ce titre est interminable, alors que "When the River Runs Deep", "Tears of a Clown" et "Man of Sorrow" méritent la moyenne, mais pas plus. La palme de la médiocrité revient à "The Red and the Black" de Steve, titre vraiment décevant (et dieu sait si d’habitude il nous régale) qui s'étire sur plus de 13’(OK, la fin est pas mal, mais c'est tout). Gros loupé aussi que "The Book of Soul", mou et long, qui cumule à peu près tous les défauts des compos de Janick, et échoue à prendre une dimension épique malgré un riff de départ plutôt correct. Dans ces deux cas, le tic consistant à répliquer la mélodie du chant à la gratte est extrêmement pénible, réussissant à gâcher les efforts de Bruce pour porter ces titres.
J’ai gardé pour la fin "Empire of Clouds", certes pas totalement abouti et réussi, mais dont le mérite est de sortir le groupe de sa zone de confort. Et puis Bruce est vraiment un conteur hors-pair : il se donne totalement tout au long de la pièce, si bien que malgré les 18’ du morceau on ne s’y ennuie à aucun moment.
Dernier point à souligner : l’album est mal produit (à cause de Kevin Shirley ou torts partagés ?), c’est probablement un de ses principaux problèmes. Au-delà des fautes de goût susmentionnées, il faut évoquer les solos de guitare qui, en sus de leur manque général d’inspiration, sont surtout enregistrés dans un spectre sonore restreint qui nuit à leur impact et leur donne un son chétif. Je n’aime pas non plus l’utilisation systématique des claviers sur beaucoup de morceaux ; ils n’apportent finalement pas grand-choses d’épique et empiètent sur la texture des guitares. Seul Bruce sur "Empire of Clouds" tente réellement une approche nouvelle en ayant recours au piano, une première pour le groupe, c’est malheureusement la seule vraie surprise au programme.

Par bonheur, The Book of Souls n’est pas la dernière œuvre des Anglais, faute de quoi ils auraient fini leur incroyable carrière sur une touche amère, ce qu’ils ne méritent absolument pas.

Note de 2,5 ramenée à 2 pour marquer la différence avec l’opus suivant, nettement plus réussi.