Après la déception de Last Mont Of The Year et son retrait rapide des affaires, les boss de Capitol, un peu inquiets, souhaitent relancer leur groupe vedette dans le billboard et faire une belle moisson de billets verts. Le passage des sixties ne semble pour l'instant être qu'une date comme une autre. Alors Shane, Reynolds et le grand Guard réinvestissent les studios pour une nouvelle œuvre. La symbolique de la pochette et du titre m'échappent un peu, mais on est en droit de penser que le gang aux chemisettes rayées va faire quelques tentatives hors de son pré carré. Nous en sommes déjà au neuvième opus du KINGSTON TRIO.

Et on ne lambine pas ! Plusieurs chansons ici présentes ont gagné leurs galons de classiques : "Hangman" est probablement la chanson ayant eu la postérité la plus tenace dans cet ensemble. Un classique de la folk music qui raconte comme il se doit les vicissitudes d'un condamné à mort. Elle est splendide, chacun des membres du TRIO s'y succèdent au chant et les choeurs sont glorieux. Nous embrayons avec les grands espaces sur "Bonnie Hielan Laddie", une magnifique complainte de cowboy ou le KINGSTON TRIO donne libre court à toute sa classe, le banjo de Guard tressaute alors que les effluves désertiques vous montent dans la colonne vertébrale. Les choeurs sont impériaux, une superbe chanson qui n'a pas eu le destin mérité.

La douceur de "Come All You Fair And Tender Ladies" est très réussie, l'harmonie des trois voix des membres du groupe est toujours aussi belle. Un nouvel instantané de l'Amérique triomphante sous la présidence de John Kennedy. "The River Is Wide" est un des grands thèmes de la folk music écossaise, même le grand Benjamin BRITTEN l'a utilisée pour une de ses symphonies. Cette version chantée par Nick Reynolds se révèle magnifique, comme souvent avec les reprises de standard par le TRIO. La douce "Blow The Candle Out" est toute aussi fort bien chantée par Bob Shane.

En revanche, le seul single du lot "En el agua" me semble être un choix peu judicieux pour cette nouvelle livraison du TRIO. La style est différent, l'espagnol les éloigne de leurs fans, très américains moyens. Qui plus est, la chanson ne se signale ni par son humour ni par sa mélodie finalement assez quelconque. Plus loin, "Ulawena" nous replonge dans le bain traditionnel maori, on nage sur Waikiki en compagnie des trois lascars bronzés, c'est certes festif... En terme de chanson en revanche, pas de quoi en faire un foin, c'est juste rigolo.

Plusieurs titres sont seulement moyens ou carrément moins bons : "A Jug Of Punch" est une chanson à boire au coin du feu sous une nuit étoilée. On reprend quelques intonations rockabilly western sur "Hard Travelin", ou un banjo bien traditionnel s'élève au milieu des choeurs des garçons vachers. "Speckled Roan" est une petite chevauchée, puis l'adaptation par Dave Guard de "Oh Yes Oh !" est bien militaire mais n'est pas la meilleure qui soit. Enfin, "Blue Eyed gal" est une cavalcade western pour la danse rapide.

Malgré la présence de plusieurs titres vraiment bons, l'ambiance générale de cet album souffre de la présence de quelques chansons moins remarquables. Le single notamment est une calamité pour un groupe habitué aux premières places. L'album va toutefois se vendre très correctement et atteindre la deuxième place du billboard, pour le moment donc, le KINGSTON TRIO sauve les meubles, mais on a comme une impression que le momentum du groupe est désormais derrière lui.