Resituons le contexte : le KINGSTON TRIO, tel Djizeus sur les dernières marches lors de l'accès à la colline du Golgotha, porte sa croix avec un stoïcisme déconcertant, son dernier album à atteint la 126eme place du billboard, l'objectif étant de faire pire, comme on s'en doute, tant qu'à être dernier, autant le faire avec la manière ! Mi 65, la BEATLEmania bat son plein, et le british boom a rendu les précédentes modes totalement passéïstes. Pourtant le TRIO revient en studio, Decca paye l'addition avec résignation. Ainsi sort ce second album en quelques mois, comme à leur habitude.

Un single est chargé de faire le flop du moment : il s'agit de "Parchmen Farm". Ah mais attention, qu'entends-je ? Un orgue, une grosse basse électrique, une batterie bien vibrante. Parole on croirait entendre les ANIMALS ! Ah que c'est beau la volonté d'en sortir ! Le moins qu'on puisse dire est que l'évolution est drastique, le groupe joue ici sa dernière carte pour coller aux standards du moment. Bref, tout ça c'est super, mais le titre fait un flop complet et n'apparaît même pas dans les tops. C'est une catastrophe ! Chanson cocomposé avec Randy Cierley pour son sens de la modernité, il y en a trois autres.

Et "Verandah Of Millium August" est encore plus extrême. On ne reconnaît carrément pas le groupe dans cette chanson. S'en est renversant tellement on est loin de ses modes de composition. Je ne parviens pas même à distinguer qui chante. Et cette gratte électrique qui éructe... Incroyable ! Hélas, ce n'est pas super pour autant ! "Go Tell Roger" est en revanche à oublier. La dernière est "Red River Shore", qui ressemble bien plus aux habituelles complaintes de cowboy du KINGSTON. Sans doute un brin plus moderne, avec des grattes plus abrasives et une batterie martiale.

Il y a sur cet opus plusieurs chansons de Mason WILLIAMS, pour les mêmes raisons : "Intercnangeable Love" sonne originale avec ses percussions, mais est un poil courte. "They Are Gone" surprendra aussi avec son ambiance de Bossa Nova, et ses habiles tierces., on la conseillera. "Long Time BVlues" sonne tout à fait dans l'air du temps de 65, même si les harmonies du TRIO sonnent ici un peu étranges. "Dancing Distances" n'est pas mémorable. Enfin "Runaway Song" pousse aussi le bouchon vers les groupes à la mode venu de la prude Albion, c'est l'évidence, mais ce n'est là encore guère réussi...

La fameuse "Early Morning Rain" de Gordon LIGHTFOOT, reprise par la moitié du showbiz est toute mignonnette ainsi, avec une orchestration à nouveau fort complète. Une reprise de Tom PAXTON, comme à chaque fois, cette fois il s'agit de "Last Thing On My Mind", c'est countrysant, mais ce n'est pas la meilleure. Enfin, "Where Are You Going Little Boy" reprend les éléments de douceur mélodiques chers au KINGSTON, alors on apprécie, même si c'est un peu suranné.

L'évolution est énorme, mais le résultat n'est pas à la hauteur : que se soit au travers des collaborations avec Mason Williams ou Randy Cierley, la sauce ne prend pas. Le KINGSTON y perd les ingrédients qui font la qualité de ses chansons, et il n'y a dans cet album pas le moindre titre à retenir, même si le single se laisse écouter et reste une preuve de la volonté du groupe à échapper à son destin. L'album n'intègre pas le Billboard... Et nous voilà, au sommet du Golgotha, la croix dressée, épuisés par tant d'efforts, prêts à subir l'ultime châtiment.