En se lançant dans un diptyque consacré à sainte Jeanne d'Arc, ELOY s'est engagé dans une entreprise certes non hasardeuse, mais ô combien compliquée. En effet, selon certain(e)s, le groupe allemand s'est imposé bien des difficultés : album-concept, double-album, sortie étalée sur plusieurs opus. Difficile de briller à ce point avec ces trois contraintes en même temps, à moins d'être un génie – et encore. D'un autre côté, soulignons l'abnégation de Frank Bornemann qui maîtrise très bien son sujet historique, assez pour le retranscrire avec passion en musique. Cela a-t-il marché ? Quand on écoute The Vision, The Sword and the Pyre, Part I (2017), on dit oui. Ceci étant, trop de musiciens vous diront qu'il est facile de gâcher toutes ses cartouches du premier coup et ensuite de ne plus rien avoir dans le ventre par la suite.

Dans le cas d'ELOY, on peut dire que le défi a été relevé, même s'il n'est pas une réussite totale. Globalement, The Vision, the Sword and the Pyre, Part II ne donne aucunement l'impression d'avoir pris du temps à avoir été conçu (à peu près 2 ans, donc) : on jurerait qu'il a été enregistré en même temps que l'opus premier. En soi, c'est un gros point positif car témoignant d'une cohérence toujours aussi bienvenue. Autre chose, la musique est ici plus originale car ne faisant plus référence à de précédents travaux d'ELOY, et apporte un sacré coup de neuf.

Toutefois, cela ne fonctionne pas à tous les coups. En particulier, la fin de l'album, poussive, ne propose rien de vraiment mémorable. Puisqu'il s'agit d'évoquer la fin de Jeanne d'Arc, on a presque envie de dire que c'est raccord ; et puis, personne n'est obligé de finir sur une note grandiloquente. Mais quand même...
De plus, certains morceaux sonnent typiquement ELOY, certes, mais à un point où on soupire devant ce qui s'apparente finalement à un manque de prise de risques ("Paris", "Joy"). Cela ne fait pas de The Vision... Part II un mauvais album pour autant ; il s'agit simplement d'un opus inférieur au précédent.

Du point de vue strictement musical, The Vision... Part II se distingue dans son premier tiers. L'ouverture "An Instant of Relief... Still the War rages On" se présente comme une transition avec la partie I, et en jette pas mal avec ses choeurs (se voulant) imposants, enchaînant sur un rock puissant et enlevé ; "Patay" se présente comme du ELOY classique, sauf que cette fois, c'est relativement bien fait, assez pour présenter un intérêt certain. Plus loin dans l'album, "Armistice or War?" commence de manière un peu pataude avec son piano un poil funky, mais le morceau dans son ensemble se tient très bien.

The Vision... Part II est donc un bon opus d'ELOY, mais il aurait peut-être mérité un travail plus approfondi des compositions, quitte à retarder sa sortie d'un an. Aussi, certains éléments comme le chant de Bornemann ou encore le manque de gros arrangements symphoniques pourront en rebuter plus d'un. Cela dit, vu l'ampleur de la tâche (retranscrire musicalement la vie de Jeanne d'Arc), on peut quand même féliciter le groupe allemand d'avoir répondu présent quand il s'agissait de se lancer dans une pareille entreprise.

Note réelle : 3,5/5