Le premier ELOY étant raté, il a bien fallu rebondir afin de pouvoir continuer à faire carrière. C'est alors que Frank Bornemann, alors simple guitariste du groupe, décide grosso modo de virer tout le monde, à l'exception du bassiste Wolfgang Stöcker, et de devenir chanteur – heureuse décision. ELOY change également de maison de disques, passant de Philipps à Harvest, référence progressive de l'époque. En gros, c'est une véritable remise à neuf du navire qui s'opère. Enfin presque, puisqu'au final, le guitariste Manfred Wieczorke revient avec un orgue sous le bras et accompagné du nouveau venu Fritz Randow à la batterie. À noter cependant qu'Erich Schrieve, chanteur originel de ELOY, écrit les textes d'Inside et de Floating.

En 1973, voici venir le ELOY nouveau, donc. Le quatuor sort Inside qui montre pour ainsi dire un changement radical. La structure de l'album se fait plus proche des canons de l'époque (Foxtrot, Meddle...), avec un morceau long en face A et d'autres plus courts en face B.
D'ailleurs, ça n'y coupe pas, "Land of No Body" est assurément celui qui attire le plus l'attention. ELOY s'y montre tour à tour virulent et calme, avec des touches bluesy et hard. La section rythmique abat un travail de monstre (pas étonnant que Randow figure deux décennies plus tard chez SAXON), tandis que la guitare de Bornemann et l'orgue de Wieczorke rivalisent de virtuosité pertinente. La cavalcade alternative manque cependant de construction, notamment au centre du morceau qui consiste en une plage ambient à l'orgue un peu mal fichue, et qui casse l'énergie délivrée par le groupe. Mais dans l'ensemble, ELOY aurait pu fait pire (il l'a d'ailleurs fait deux ans plus tôt), et si l'on exclut le son qui a vieilli, force est de reconnaître que "Land of No Body" est un morceau solide et puissant. Les vocaux de Bornemann, bien que pas très nombreux ici, s'insèrent quant à eux de bonne manière, et donnent une saveur particulière au tout, sans être envahissants ou profondément inutiles.

Un tel morceau, ça vous pose un album. Ça peut aussi parasiter la face B qui risquerait de passer pour bien faible à côté. Pour être franc, Inside souffre un peu de ce souci. Le morceau-titre, moins dynamique et puissant, compense par un certain sens du lyrique, et vaut surtout pour son solo de guitare redoutable. "Up and Down" est un final un peu mielleux, mais tout de même acceptable, et peut être vu comme un moment de calme relatif assez agréable.
Mais le véritable clou de la face B, et même de tout l'album, reste "Future City". Si le premier et le dernier tiers du morceau présentent une musique lente et exotique (grâce aux percussions), ils ne font qu'encadrer une partie instrumentale dévastatrice, où tous les musiciens, y compris Wieczorke qui reprend sa guitare, se déchainent et offrent le meilleur de leur jeu. Le seul regret, c'est qu'un tel moment soit si court.

Mission réussie pour ELOY. Si Inside n'est pas exactement un grand album de rock progressif, il permet à Bornemann & co de repartir du bon pied et de montrer le talent du groupe. D'ailleurs, le groupe n'en est qu'à ses (vrais) débuts, et donc que le meilleur reste à venir.