Tout autant qu’elle est remarquable, la mue d’OYSTERBAND, qui aura vu la formation britannique devenir un groupe folk rock électrique et mordant, politique et engagé, après avoir été un groupe de bals folkloriques, aura pris son temps. Il faut attendre en effet le sixième album du groupe, Step Outside, pour ressentir sa vision nouvelle et son envie de naviguer dans des eaux plus aventureuses. Step Outside, premier album du groupe publié sur le label Cooking Vinyl, est en ce sens un album d’apprentissage, puisqu'il voit les OYSTERBAND, dont le nom est encore The OYSTER BAND, proposer six compositions originales, enrobées de quatre reprises de morceaux traditionnels. C’est surtout sur cet album que l’auditeur peut apprécier le mariage réussi entre le talent de compositeur de Ian Telfer et celui d’interprète de John Jones. Step Outside est la première borne-frontière qui donne le ton d’un long voyage qui se poursuit encore aujourd’hui.

L’album débute par le morceau traditionnel "Hal-an-Tow", un de ces nombreuses chansons célébrant l’arrivée du printemps dont sont friands les chanteurs folk des années 60 et 70, reprenant ainsi à leur compte une ancestrale tradition celtique et païenne. Le titre se fait ici rock, tant au niveau des arrangements que du tempo, et le groupe lance déjà une petite pique discrète au giron politique britannique. Alors que nous sommes en plein milieu du règne de Margaret Thacher comme Premier Ministre du Roytame-Uni, peut-on réellement envisager que la strophe "Send us peace in England, send peace by day and night, oh!" s’adresse à quelqu’un d’autre qu’à la Dame de Fer ?

"Flatlands", première composition personnelle ici présentée, tombe à plat la faute à un refrain pataud. On lui préfèrera, de loin, "Another Quiet Night in England", un des moments de bravoure de l’album. Ce morceau, folk sombre et énergique, porté par l’interprétation impeccable de John Jones, décrit les dommages causés à l’industrie traditionnelle et à l’économie britannique par la fièvre des privatisations décidées par le gouvernement, avec pour conséquence un chômage de masse. Dans une veine similaire, bien que construit autour de l’accordéon et de la basse plutôt que de la guitare électrique, et faussement enjoué dans le propos, "The Day that the Ship Goes Down" décrit le point de vue de ces profiteurs qui ont mis à sac le pays. "Lorsque le bateau coulera, je ne m’en fais pas pour les autres rats et moi, nous savons nager".

Les autres compositions de Telfer sont moins marquantes. "Liberty Hall" et ses intonations reggae ne décolle jamais vraiment, de même que "The Old Dance", qui provoque l’ennui plus que l’adhésion. Les reprises de morceaux traditionnels soufflent également le chaud et le froid. Difficile ainsi de comprendre la présence de "The Gaol Song", avec sa rythmique disco totalement déplacée ici. En revanche, "Molly Bond", réinterprétation personnelle du standard "Polly Von", prend ici une douce teneur désabusée, porté une basse solennelle sur laquelle se greffent de sombres harmonies à la guitare électrique. Une appréciable réussite.

La musique proposée sur Step Outside consiste en un amalgame travaillé de titres traditionnels issus du répertoire britannique et de compositions originales, dont on retient essentiellement des premiers travaux personnels convaincants, en premier lieu "Another Quiet Night in England", et la voix de ténor de John Jones. Un album qui donne le ton des réalisations suivantes, le groupe poursuivant alors sa transformation en prenant le temps de bien faire les choses. Album-charnière, Step Outside est plus un album de travaux en cours qu’un aboutissement. Il reste néanmoins un album appréciable dans la discographie des Britanniques.