Il y a eu la splendeur, la beauté, la pertinence, l’excellence de Diamonds on the Water, en 2014. Et puis, le silence. 8 ans d’abstinence en studio, avant que le groupe ne se décide à mettre en boîte son douzième album (le quatorzième si on inclut les réalisations collaboratives avec June Tabor). Oh bien sûr, les OYSTERBAND vous diront qu’ils ont été occupés. Après tout, le groupe, qui accuse tout de même plus de quarante années d’existence au compteur, a bien le droit de lever le pied. Il a pourtant été particulièrement actif durant cet intervalle, célébrant justement son anniversaire, mettant sur pied une nouvelle collaboration avec June Tabor, ses trois membres historiques (John Jones, Alan Prosser, Ian Telfer), se produisant parfois sous forme de trio pour des sessions showcase. Il a également fallu au premier des trois le temps de se remettre d’un cancer qui, fort heureusement, a été vaincu.
En définitive, pour OYSTERBAND comme pour beaucoup d’autres formations de sa génération, les confinements successifs auront été l’occasion de se remettre à l’ouvrage, de souffler sur les braises de l’inspiration pour raviver le feu de la création. Dans les cendres de ce bûcher glorieux, quelques perles se laissent découvrir.

Read The Sky, c’est tout d’abord un visuel splendide. Le cliché d’un bateau (une arche ?) échoué, délabré, sous un ciel étoilé, une timide lumière en fond, un crépuscule ou une aurore, selon votre état d’esprit. Après le tumulte maritime de la pochette de Diamonds on the Water, c’est ici le calme après la tempête.
Le monde est calme. Très. Trop. Serait-il trop tard ? OYSTERBAND n’a pas la réponse. Toujours est-il que Read The Sky est un album pétri d’incertitudes, d’ambiances douce-amère, à l’image du morceau "Wonder are Passing" que le groupe avait eu la bonne idée de nous présenter l’an passé et où il détaille, avec tristesse et fatalisme, les merveilles que, par sa faute, l’homme précipite à leur perte, jusqu’à l’échéance finale. Le violon joue ici un rôle prédominant, se paye le luxe d’un solo au milieu du morceau, mais Ian Telfer fait attention à ne pas trop en faire, à contraindre son instrument comme pour donner corps à toutes ces beautés réduites au silence. Comme si le violon apportait une substance supplémentaire aux paroles. Quel chef-d’œuvre !

Il faut bien reconnaître que, malgré ses nombreuses qualités, Read The Sky propose peu de pistes de cette trempe, quand le précédent album en regorgeait. Il y a, bien sûr, "The Time Is Now", audacieusement placé en fin d’album. Ce morceau créé en préambule à la COP26 de Glasgow, dont les mesures ridicules ne seront jamais suivies d’effets, est un appel à l’action, une injonction, à la manière des titres urgents et concernés que le groupe a pu créer jadis. Les couplets dégagent une ambiance sombre et électrique, tandis que le refrain, faussement lumineux, précède quelques ponctuations guitaristiques fortement influencées par les années 60.

Read The Sky donne l’impression d’être un album 'régressif' pour OYSTERBAND qui renoue ici avec certaines ambiances passées. Le morceau d’ouverture, "Born Under The Same Sun", rappelle ainsi le début des années 90, le moment où le groupe s’éloignait de ses racines folk pour laisser infuser plus profondément ses appétences rock. Le morceau est bon, mais le son est un peu maigrelet, et l’ensemble est un peu peine à jouir. On lui préfère de loin l’enjoué "The Corner of the Room", super rock laissant un large espace d’expression à la guitare électrique de même qu’à l’harmonica. Par son thème autant que par ses arrangements, ce morceau empreint d’amour et de nostalgie évoque l’univers de RUNRIG.

Si certaines compositions avancent en terrain conquis, à l’image de "Fly Or Fall", qui évoque l’époque Meet You There, "Streams of Innocence" ou encore "Star of the Sea", qui permet à John Jones d’user son bandonéon, OYSTERBAND n’oublie pas de nous surprendre, en dégainant par exemple "Roll Away", une reprise du groupe BACK DOOR SLAM. Alan Prosser et ses camarades extraient la substantifique moëlle de ce morceau pour en faire un folk pur jus, introduit par une splendide ligne de violon. Essentiellement acoustique, le morceau, qui prend même ici des airs de chant de marin, propose des ambiances délectables, finalement assez éloignées de celles du morceau original.

Autre surprise, "Hungry for that Water" voit Prosser, justement, passer derrière le micro pour une ballade folk agrémentée d’un piano, d’un orgue solennel et, surtout, de la guitare que ce bon Ian a sur lui greffée. Au final, cette petite ritournelle prend des allures de complainte mineure, néanmoins surprenante car inédite dans le répertoire du groupe.

Read The Sky manque malgré tout un peu d’épaisseur, notamment si on le compare à son glorieux prédécesseur direct. Désireux de faire le lien avec son passé, OYSTERBAND semble laisser de côté une partie de la richesse instrumentale mise en œuvre au fil des ans et, à l’exception des formidables "Wonders are Passing" et "The Time is Now", il n’y a guère ici de morceaux de l’acabit des intemporels "We’ll be There", "Put Out The Lights" ou "Here comes the Flood".
C'est un album varié, délicat et digne d’un groupe à l’âge canonique mais qui, rapporté à son foisonnant répertoire, semble néanmoins mineur. L’avenir viendra infirmer ou confirmer cette impression.