Lorsque la fin des années 80 arrive sans crier gare, The OYSTER BAND est un groupe qui bénéficie d'une carrière déjà longue de plus de 13 ans et de 7 albums. Le groupe, qui a démarré comme formation acoustique interprétant essentiellement des morceaux traditionnels, s'est rapidement établi comme une valeur sûre du folk sur la scène anglaise, publiant ses 3 premiers albums de manière indépendante sur son propre label. Peu à peu, la formation a intégré dans sa musique des éléments électriques, a fait appel à un batteur, et s'est mis à écrire son propre matériel, s'engageant dans une voie plus consciente de l'environnement social et politique de l'Angleterre de la deuxième moitié des années 80. "Le climat politique et musical a tellement changé que nous n'aurions pas pu faire carrière simplement sur nos interprétations électriques de ce patrimoine folk rural", déclare alors le chanteur John Jones lorsqu'on lui demande pourquoi son groupe s'est mis à écrire ses propres chansons. "La musique que nous créons est plus urbaines. Elle est plus mordante et n'est pas passéiste. Je pense que le folk traditionnel éprouve de la nostalgie pour une Angleterre verdoyante et bucolique qui n'a jamais existé. L'Angleterre du passé était une terre sombre et glauque, et elle l'est encore aujourd'hui."

Si les premiers albums du groupe donnaient l'impression d'un mariage parfois forcé entre la musique des SEX PISTOLS et celle de FAIRPORT CONVENTION, le mélange se fait plus naturel sur Ride, qui voit les pièces formant l'identité musicale de The OYSTER BAND s'assembler de manière plus naturelle. Cette album est une longue liste de premières : le premier album enregistré en compagnie de Ray Cooper, dit "Chopper", violoncelliste et bassiste qui prendra immédiatement part à l'écriture, crédité sur trois morceaux de l'album. Il s'agit également du premier album produit par Dave Young, marquant la fin d'une longue collaboration avec Clive Gregson. Il s'agit également du premier album sur lequel le groupe décide de laisser tomber la particule "The", préférant s'appeler ici OYSTER BAND. Sur les reéditions ultérieures en CD, les deux termes seront même fusionnés une fois que le groupe aura définitivement adopté le patronyme OYSTERBAND.

L'album est plein de vie, le plus souvent axé autour de tempos assez énergiques, en atteste par exemple le flamboyant "Gamblers (We Do Not Do That Anymore)". "Nous avons tenté de proposer des rythmes rapides et dansants", déclare alors John Jones. "Nous ne voulions pas un album centré sur les atmosphères, nous le voulions énergique. Nous avons voulu extraire un battement de vie de la section rythmique et dompter ce battement pour construire l'album autour. Nous voulions ressentir ce battement, sur lequel l'accordéon et le violon pourraient construire leurs lignes mélodiques".

En effet, ce mélange entre section rythmique et instruments "tradi" est au cœur de l'album. C'est d'ailleurs l'accordéon qui introduit "New York Girls", seul titre traditionnel présent en ouverture d'album. Il y a du mouvement, de l'énergie, et un besoin de se mouvoir, d'entrer dans la danse. Comme une urgence. Les sonorités sont folk, oui, mais couplées à une férocité contagieuse (écoutez donc les deux dernières minutes de "Cheekbone City"). L'accordéon, tout comme plus loin le saxophone ("My Dog (Knows where the Bones are Hid)", titre absent sur la version LP) donne à l'album une couleur intéressante, mais c'est bien le violon d'Ian Telfer qui porte l'identité OYSTER BAND sur cet album. C'est lui également qui donne son intérêt à "Love Vigilantes", reprise du groupe NEW ORDER qui clôture l'album (sur la version CD). Etonnamment, ce sont justement "New York Girls" et "Love Vigilantes", les deux seules reprises de l'album, qui sont portés au format single pour promouvoir l'album tandis que le groupe s'embarque alors pour sa première tournée américaine. Il faut dire que les compositions originales manquent parfois un peu de piquant, nivelées par une production sans reflet. Malgré ses sympathiques ambiances rock, "The Sins of a Family" peine par exemple à s'imposer, tout comme "Polish Plain", porté par une ligne de violon un peu redondante. Si les formidables et sautillants "Too Late Now" et "Take Me Down" sont un nécessaire souffle de vie, des titres plus dispensables tels que "Tincans" ou "Heaven to Calcutta" donnent à l'album une sorte de ventre mou assez gênant.

Si Ride poursuit la mue entamée en 1986 avec Step Outside, l'album souffre, comme ses prédécesseurs d'une légère faiblesse dans la qualité des compositions originales proposées, qui continuent d'avoir le cul entre deux chaises, entre folk 70's et rock plus contemporain. Si certains titres méritent le détour, le groupe a, à juste titre, laissé tomber dans l'oubli la plupart des titres de ce répertoire encore en travaux, qui s'affirmera et connaîtra un tournant majeur quelques années plus tard. Un album pour les complétistes.