Dans le fascicule qui accompagne en août 1999 l'édition des 1000 premiers exemplaires de Here I Stand, seizième album d'OYSTERBAND, Ian Telfer, le violoniste de la formation britannique, décrit son groupe en ces termes : "bizarre, indéfinissable, pas vraiment un groupe pop, pas vraiment un groupe folk, pas vraiment un groupe de musique traditionnelle, pas vraiment celtique, mais pas anglais non plus, pas vraiment de bon goût". Plus loin, il se fait plus laudatif, évoquant un groupe "toujours percutant, toujours fier de ses opinions, toujours en évolution, et surtout toujours là".

En effet, au moment d'aborder ce Here I Stand touffu et varié, il est bon de se rappeler qu'OYSTERBAND a derrière lui une carrière longue de 20 ans, et a su s'imposer comme un des groupes les plus intéressants sur la scène britannique, en grande partie dans sa capacité à se faire rencontrer la tradition folk anglaise et les sonorités rock contemporaines. Une alchimie qui a engendré, quelques années avant la sortie de cet album, quelques pépites remarquables devenues aussi bien des classiques dans le répertoire du groupe anglais que dans le genre folk dans son acception la plus large.

Ainsi, ce seizième album, qui succède à trois albums indispensables d'OYSTERBAND, peine à se hisser au niveau de ses prédécesseurs. Long (60 minutes au compteur), constitué de 13 chansons auxquelles s'ajoutent trois titres instrumentaux, Here I Stand est un album enregistré sur la route sur une période longue de 9 mois (de may 1998 à février 1999), entre chambres d'hôtels, salles de concerts et studios de location. Pour lui donner une cohésion, le groupe décide de partager les travaux de production et de mixage avec Alaric Neville, qui avait déjà réalisé le mixage de l'album live Alive And Acoustic publié l'année précédente. Il s'agit du premier album studio de la formation publié sur son propre label, Running Man Records, après une longue collaboration avec la maison de disques Cooking Vinyl.

Les changements ne sont pas tant d'ordre musical. En effet, OYSTERBAND reste ancré dans ce genre folk-rock contemporain qui lui va si bien, intégrant malgré tout quelques influences pop, pouvant par moments évoquer un groupe tel que R.E.M. La nouveauté est plutôt à chercher du côté des textes, qui montre un groupe plus introspectif, évoquant le sujet des relations amoureuses et sentimentales plus que par le passé, s'éloignant du propos plus politisé des albums précédents. C'est pourtant avec une charge contre la mondialisation que débute l'album, avec "On The Edge" (rien à voir avec le morceau du même nom de RUNRIG), dont le propos se fait plus mordant que la musique, le chanteur John Jones n'hésitant pas à demander qu'on lui serve la tête de Ronald McDonald entre deux tranches de pain à burger. L'ambiance est piquante, mais l'exécution se fait plutôt lancinante, loin de l'énergie féroce des albums passés.

C'est bien ce que l'on peut reprocher à cet album : de se traîner, de lâcher les morceaux de bravoure au compte-goutte, comme si OYSTERBAND laissait retomber la pression après plusieurs années passées à brasser sa musique dans une intensité savoureuse. L'album est très décontracté, presque nonchalant parfois, et si l'identité du groupe est bien présente, les morceaux peinent simplement à se hisser au niveau de qualité auquel le groupe nous avait habitués. Il faut ainsi fouiller et partir en exploration pour extraire quelques pépites, à commencer par la splendide "Street of Dreams", tendre ballade folk qui prend le temps de se développer et de déployer ses ambiances délicates. Ce morceau nous permet de savourer la première apparition en studio de la chanteuse Rowan Godel, qui sera amenée à collaborer à de très nombreuses reprises avec OYSTERBAND sur ses albums suivants.

La présence de nombreux invités parvient à varier les ambiances, mais ne résout pas pour autant le problème de l'inconsistance de l'album. Si les membres du trio canadien GREAT BIG SEA nous permettent de savourer de belles harmonies vocales sur "After Rain", et "This Town", on se retrouve plus souvent à regarder la montre qu'à se délecter des compositions ici proposées. Un vers tiré du morceau "In my Time" nous laisse ainsi nous demander si groupe ne parlerait pas ici de sa propre situation :

"We followed an unlikely star
never thought we'd get this far
now we don't know where we are
but hey we're hanging on"

Respirations bienvenues, les pistes instrumentales sont plutôt intéressantes, à l'image de "Kantele", composée par Chopper, qui nous propose de belles mélodies exécutées sur cet instrument scandinave. Ainsi, lorsqu'on pioche cet album dans la discographie féconde d'OYSTERBAND, c'est pour en extraire les ballades pièces savoureuses que l'on peut entendre ici et là ("A Time of her Own", "Street of Dreams"), et qui constituent l'intérêt principal d'un album par ailleurs paresseux et parfois presque apathique. Une petite déception, et un album qui marque le pas après plusieurs années passées en état de grâce pour le groupe anglais.

2,5/5