Une Histoire d'Amour a la lourde tâche de faire suite aux Neiges de l'Himalaya (1991), album de qualité en dépit d'une poignée d'écueils.

Pour mieux pallier l'absence de premier titre aussi fort et surprenant, DOROTHÉE, Porry et Salesses jouent la carte la plus simple en livrant "Une histoire d'amour", rock-twist à grosses guitares et piano, traitant de la nostalgie d'après-rupture. Bien que ce titre soit élancé et bien fait, plutôt efficace en mélodie, on peut néanmoins rester perplexe face au solo de twin guitars/guitares jumelles harmonisées jouées au synthé !

L'énergie des années 50 est plus ou moins à l'avenant. "Toutes les guitares du rock'n'roll", avec ses riffs répétitifs, vaut avant tout pour ses choeurs ! La "Valise 93" a le bon ton de délaisser le hip-hop de pacotille pour revenir à l'inspiration d'une dizaine d'années auparavant. "Chou hibou genou caillou" traite de l'attitude des garçons en accordant les rimes du texte aux mots "pluriel en x", sur fond de twist festif sympathique.

"Il faut chanter" est un morceau de country enlevé et convivial ; "L'amour toujours", aux éléments technologiques cette fois, fait gentiment penser à "Summer Nights" de GREASE. C'est surtout "Great Balls of Fire" qui retient l'attention : un duo avec Jerry Lee LEWIS, s'il vous plaît ! L'enfant terrible du rock'n'roll, qui avait déjà enregistré la chanson en 1957/58 et qui se trouve alors dans une décennie creuse en termes d'activité, vient faire flamber son piano et tenir la main de DOROTHÉE pour un pas de danse endiablé de deux minutes, fort sympathique.

Elle ne sera jamais une grande chanteuse, même dans ce domaine mais, chose difficile à contester, elle l'adore et, en dehors de nos chers messieurs Eddy, Johnny et Dick durant les années 60/70, l'a défendu mieux que personne (surtout lors des 25 dernières années !) au sein des médias de masse français. En 1992 elle présente son show/comédie musicale télé Le Cadeau de la Rentrée. Outre les habituels Ariane et consorts, les MUSCLÉS ainsi que les stars de AB Prod, on croise donc Jerry Lee LEWIS pour "Great Balls of Fire" (et côté rock, ce n'est pas terminé !) mais aussi Boy GEORGE, Francis LEMARQUE, Marcel AMONT, Pierre PERRET, ALPHA BLONDY, ZOUK MACHINE.

En parlant de ce dernier trio féminin de musique guadeloupéenne, vedette depuis 1990 et pour quelques années encore, "La musique dans la peau" est un hommage direct, même si DOROTHÉE ne s'empêche guère d'ajouter quelques influence 60's à tant de soleil antillais. Tout y est bien trop répétitif pour une inspiration pas au zénith ! De même, sur le énième blues-slow valsé "L'hôtel des cent bonheurs", avec toujours les mêmes sons de Gégé Salesses, on ne retient que la présence d'un vrai saxophone – sans doute René Morizur -, pour une fois !

Les années 60 susmentionnées sont nettement mieux représentées sur deux titres au son bon marché certes, mais plus proche de ce que faisait Phil SPECTOR, à savoir "Bats-toi" et "Je ne l'ai pas cru", tous deux excellents. Le premier, sur l'envie de s'accrocher en amour, est une ballade country avec mélodie en montée et refrains 'guerriers', amenant une beau changement vers la fin. La seconde, forcément plus nostalgique, mélange un peu "Then He Kissed Me" des CRYSTALS avec "La chanson de Marie" (chef-d'oeuvre de DOROTHÉE sur son album de 1984), pour l'enrobage de cordes.

Avec plus d'inspiration en ce sens, ce disque aurait pu être meilleur. Hélas, on trouve à côté une moitié de titres juste passables ou d'essais discutables.