Dorothée, prénom emprunté à une sainte martyre d'origine grecque, d'abord mixte puis exclusivement féminin, populaire depuis très longtemps en Allemagne et en Angleterre, n'aurait été réellement employé en France qu'à compter du milieu du XXème siècle. L'époque où il est le plus donné reste le milieu des années 80. Un hasard ? Pas tellement quand on connaît la personne qui le met en exergue au sein des médias.

Pour faire court, après quelques temps d'essai devant l'écran voire d'arrêt total, dès l'année 1978, DOROTHÉE, de son vrai nom Frédérique Hoschedé, devient la coqueluche de la télévision pour les enfants. Elle a été remarquée puis propulsée par la directrice Jacqueline Joubert en tant que présentatrice du nouveau programme jeunesse Récré A2, sur l'ancienne Antenne 2 (aujourd'hui France 2), avec des collègues permanents ou réguliers comme Fabrice, William Leymergie, Ariane, Patrick, Jacky, Corbier et même le caricaturiste Cabu.

Pour l'heure, concentrons-nous sur cet aspect jeunesse typiquement à la française et l'idée d'une DOROTHÉE suivie par de nombreux enfants dont des fillettes, souvent en bas âge. La présentatrice a 26 ans lorsque paraît en mars 1980 ce premier album qu'elle ne voulait pas faire parce qu'elle ne voulait pas chanter ! Le producteur Jean-Luc Azoulay alias Jean-François Porry, qui la suivra tout au long de sa carrière, aurait eu un mal fou à la convaincre et, de fil en aiguille, l'idée de base d'un conte musical sur disque se voit incorporer des chansons.

Dorothée au Pays des Chansons est ainsi le premier d'une longue série car la présentatrice-chanteuse en sortira un par an jusqu'à sa disparition de l'antenne en 1997. On peut aussi, en cette année 1980, apprécier sa voix de jeune femme encore claire et point trop marquée par une sorte de voile rauque (ce qu'en d'autres contextes on appellerait "effet alcool", "cigarettes" ou les deux), le même qui fait que je ne l'ai jamais trop aimée. Comme France GALL, dans le style de la chanteuse (blonde) populaire française, simple, et qui ne fait pas preuve d'une grande voix, qu'on entend souvent. Trop souvent même : à la télé, DOROTHÉE n'a pas que des amis !

Parmi l'équipe qui l'entoure, aux compositions : Jean-Pierre Stora et Michel Jourdan (également auteur de "Qui saura ?" pour Mike BRANT, "Il a neigé sur Yesterday" pour Marie LAFORÊT, "Si seulement je pouvais lui manquer" de CALOGERO). Aux arrangements, Gérard Salesses, le nom le plus important du lot pour DOROTHÉE chanteuse, avec celui de Jean-François Porry qui réalise l'album. Album devenu ensuite comédie musicale, à l'Olympia et tout !

Dorothée au Pays des Chansons est fait de sketches autant que de chansons, et c'est cet ensemble qui forme le conte. Au début, DOROTHÉE qui a vocation d'héroïne est secondée par Jean Stout, acteur-doubleur dont on entend souvent la voix grave dans certains films DISNEY. Il joue ici le personnage d'Henri Golo. De là, force jeux de mots ("Dorothée au lait"), paroles simples destinées aux enfants et de façon interactive (le cri de plusieurs animaux), puisque l'émission Récré A2 avait aussi pour but de donner envie d'apprendre aux petits.

On retrouve, dans les chansons surtout, plein d'éléments qui façonnent l'image de DOROTHÉE, pour des années là aussi : textes au féminin et adaptés aux enfants, chansons d'amour sous forme de ballades/slows, berceuses même, et des titres plus enlevés, dansants ("Chante nous", "Dorothée au lait"), souvent sur un mode country et rock'n'roll. Antillais aussi, d'ailleurs le jingle/indicatif de Récré A2 puise plutôt de ce côté-là, résolument exotique, comme la chanson "Une fille qu'est-ce que c'est ?".

C'est surtout le rock'n'roll que l'on retient, "Viens t'amuser" et "Dorothée Rock'n'roll", premiers d'une longue série car DOROTHÉE, fille des années 60, reste une grande fan de cette musique qu'elle a découverte en même temps que la pop anglaise des BEATLES. Non seulement elle est fan, mais elle fera beaucoup pour la mettre en avant auprès des enfants et des passionnés du Japon, ce qui n'est pas un mince exploit au vu de son succès dans un pays qui juge le style ringard, bien souvent. Ne serait-ce que pour cela, on peut la remercier.

Et c'est pour ma part une des raisons pour lesquelles je m'intéresse à cette carrière discographique d'un intérêt limité avec évidence (on y reviendra). La nostalgie personnelle ne parle pas beaucoup en ce qui concerne DOROTHÉE, sauf pour deux albums et quelques prestations live en compagnie de Ray CHARLES etc, vu que dans les années 90, je suivais plutôt les Minikeums (FR3) et d'autres dessins animés.

Dernier détail en ce qui concerne ce premier disque : il est le premier et l'un des seuls, comme presque tous les suivants jusqu'en 1983 ou 84, où Gérard Salesses, l'arrangeur, emploie de vrais instruments. Des claviers mesurés (Fender Rhodes, piano bastringue pour la country) mais aussi des guitares, cordes et saxophones (pourtant René des MUSCLÉS n'est pas encore là). Cela contribue au plaisir que peut donner à un adulte l'écoute d'un album entièrement destiné aux petits, et dont une bonne partie des chansons reste d'un bon niveau.