Dans l’étude du succès des émissions Récré A2, parlons directement d’un aspect tout juste mentionné dans la chronique du premier album de DOROTHÉE. Si celle-ci obtient une telle célébrité auprès des enfants français, c’est parce que grâce aux démarches de Jacqueline Joubert, Récré A2 diffuse pour la première fois des dessins animés japonais (ainsi que des séries/feuilletons avec acteurs réels) aux côtés des Français et des Américains.

Dès la première émission en 1978, Goldorak et Au Pays de Candy font le bonheur de nombreux/euses petit(e)s. L’année suivante, San Ku Kaï en série "réelle" marque les esprits différemment. A partir de 1980, ce sont Albator le Corsaire de l’Espace, Boule et Bill, Tom Sawyer, Emilie, Yakari, les Mystérieuses Cités d’Or, etc, jusqu’en 1987, date de fin de l’émission, même si on pourrait presque titrer sur 86, départ de DOROTHÉE vers la concurrente TF1.

La plupart de ces noms sont restés dans les mémoires, notamment les contes, les aventures historiques et les grands héros de science-fiction japonaise. Au début, Eric CHARDEN (du duo avec STONE) était pas mal impliqué dans les adaptations françaises de ces séries animées et de leurs génériques. Il serait notamment à l’origine du nom Albator (Harlock en V.O) et il signe par exemple avec Didier BARBELIVIEN la chanson du même dessin animé.

Si, d’un côté, l’influence de DOROTHÉE et de ces récits parfois violents se trouve très vite critiquée - par les mêmes sans doute qui diront ensuite que le jeu vidéo abrutit les enfants -, d’un autre, le succès est faramineux : les jouets Goldorak & co se vendent à la pelle, et l’époque veut que cela coïncide avec le développement des bornes d’arcade dans les pays occidentaux. Bref, avant le Club Dorothée, c’est la base de la culture geek en France, celle où les futurs informaticiens trouvent leur ancrage premier, de même que beaucoup de passionnés de la culture japonaise moderne, les deux allant souvent de pair. On parle d’eux mais d’elles aussi, même si beaucoup de filles ont gardé l’innocence de Candy.

En 1980, le deuxième album de DOROTHÉE est un collectif, celui où, après avoir remis une couche du jingle/indicatif antillais de Récré A2 comme à la fin de Dorothée au Pays des Chansons (paru quelques mois plus tôt), la présentatrice-chanteuse propose une suite de génériques de tous les dessins animés parus à l’époque dans son émission.

Elle interprète elle-même "Ça va chanter, ça va danser" et la plupart des morceaux, mais à quelques reprises, elle est secondée par ses collègues réguliers Ariane, Patrick et Willy alias William Leymergie. Ils sont tous ensemble pour Albator et Zeltron (aux "aventures électriques" éducatives, un des rares dessins animés français de la sélection). Les cuivres et le funk élancé du second contrastent avec le shuffle rock à guitares et synthés du premier, pour un résultat médiocre dans les deux cas. Les habitués peuvent préférer sans mal les versions originales. La disco de "San Ku Kai", basse slapée en avant, n’est pas non plus du meilleur effet, avec sa voix robotique et ses couplets fainéants.

Les cuivres du féérique "Musique magique" soutiennent mieux DOROTHÉE, un cocktail qui lui est plus seyant, tout comme le duel de saxophones sur le bluegrass de "Ça va chanter, ça va danser". Chanté avec Patrick, le générique de Goldorak, avec son pop-rock soft et la beauté du son sample, figure parmi les meilleurs efforts présents. La country de "Pinocchio joli pantin" demeure efficace, ainsi que les influences folk-baroques et le clavecin de Candy. Cela fait peu à se mettre sous la dent, mais cela parlera sans doute aux nostalgiques des années Récré A2 !