DOROTHÉE n'a jamais caché son amour pour le rock'n'roll, mais en cette période 1993-1994, pour les 'prime' de fins d'année, elle en rajoute une couche durant son show télévisé, faisant venir des icônes et vieilles gloires telles Ray CHARLES, Cliff RICHARD, SCREAMIN' JAY HAWKINS, Percy SLEDGE, MUNGO JERRY etc. Non seulement les records d'audience sont là, mais en plus, rappelons-le une fois encore, personne n'a fait aussi bien en francophonie, avant ou après, à ce degré de popularité.

Après une décennie passée à réaliser le même type d'album annuel, avec une réalisation bon marché et des arrangements spartiates venus de l'extérieur du studio AB, DOROTHÉE, Salesses et Porry ont eu l'opportunité de faire un album différent. Si une partie de celui-ci est enregistrée à la maison, le reste est prélevé à Nashville, Tennessee, dans les studios récents Sixteenth Avenue Sound (où se sont succédé Steve WINWOOD, BON JOVI, Ziggy MARLEY, John DENVER) avec des musiciens du cru.

Parmi ces derniers, notons la présence de musiciens-stars comme le batteur Craig Kramps ; sa participation au tube merveilleux "Bette Davis Eyes" de Kim CARNES, entre mille autres, est la première qui me vient à l'esprit. Egalement, le steel-guitariste Bruce Bouton (malencontreusement crédité Mouton ici), le 'requin' guitariste Kenny Greenberg ainsi que son collègue Jack Pearson qui va faire ensuite partie du ALLMAN BROTHERS BAND durant une paire d'années.

La présence de vrais instruments change la donne, mais hélas pas tant que cela en termes de qualité. On voulait cependant bien y croire dès le premier single et morceau d'introduction du disque, "Non non ne dis pas". Une ballade country acoustique tout ce qu'il y a de plus sympathique, solo de 'twin guitars' par Pearson et Greenberg, choeurs de Martine (Latorre) et Francine (Chantereau), les soutiens vocaux favoris de DOROTHÉE.

Tout le long de "Nashville Tennessee", en lieu et place pour le faire, l'animatrice-chanteuse conte aux enfants (et aux autres) l'histoire du rock'n'roll, oubliant quelque peu Bill HALEY pour partir d'Elvis, ensuite Eddie COCHRAN, Buddy HOLLY et Jerry Lee LEWIS. "Mon petit gars" brille surtout pour la guitare énervée et le riff sudiste en diable. "Petit vaurien" est proposé en deux versions, rock et country, dont on retient surtout la seconde, piano et fiddle en avant.

Dans le même style, "Où sont les roses", la mignonne "Dis bonjour aux copains", la nouvelle "Valise" ou encore la fine "Au pays des coeurs blessés" font l'attrait de cet album, avec une pedal-steel pleine de bonne volonté. Sur cette dernière chanson, un piano blues très présent trouve un écho plus loin sur la variation lente et chouette de l'archi-connu "Joyeux anniversaire".

Quelques tentatives rock sucrées fonctionnent elles aussi de manière convaincante dans ce disque et mieux que d'autres : "Folle de vous" et ses choeurs superbes, "Maintenant je le sais" (après une rupture, le garçon ne s'oublie pas), son pont avec guitare aérienne et flûte-synthé. Par le slow "Je l'aime encore" néanmoins, on revient vers de l'enregistrement AB traditionnel pour DOROTHÉE, avec une ambiance Europe de l'Est plutôt hors-sujet.

Ce que l'on ne saurait reprocher, en toute contradiction, au tout aussi inattendu "Des millions de copains", lorgnant vers le rap mais très tubesque et garni de beaux sons de claviers. Iconoclaste pour ce disque, pour la chanteuse même en général, mais des plus intéressants, avec notamment son soutien verbal aux victimes des conflits en Bosnie-Herzégovine, au Rwanda.

En dehors d'une poignée de titres de remplissage, l'entièreté de l'album est sympathique. C'est son problème : sans doute aurait-il mérité mieux ! Et pour l'animatrice-chanteuse, il marque le début de la fin de son hégémonie.