C'est l'un des meilleurs albums de DOROTHÉE et l'un de ses moins connus : même chez les chanteuses pour enfants il y a des injustices !

Comme d'habitude, il n'y a pas de titre mais on lui donne celui du single, "Qu'il est bête", chanson effectivement idiote qui dépeint l'amoureux de la narratrice ("Mon dieu qu'il est bête comme une gargoulette, plus bête qu'une paire de chaussettes") avec toute la panoplie de Gérard Salesses (orgue, synthés). Idiote mais bien fichue, quand même !

L'amoureux en question a peur des films d'horreur, contrairement à DOROTHÉE qui visite un château hanté plus loin. "Le fantôme" s'aventure sur un terrain jazz avec bruitages et la voix grave de Jean Stout. Comme "Pour faire une chanson" de l'album précédent, la chanteuse use de références au solfège sur "Le grand Gérard" qui n'est autre que Salesses, organisant un spectacle au rythme d'une musique foraine, bluegrass avec cuivres, et encore une fois, cela fait mouche.

Le rock'n'roll "Petite fille" reprend la même idée que "Hou ! La menteuse" (1982) mais avec une petite soeur cette fois (Stéphanie, de la chorale des enfants de Bondy). Celle-ci boude à l'idée de se faire garder en l'absence des parents, jusqu'à ce qu'elle renverse la situation et fasse craquer son aînée. Cela fonctionne, tout comme la troisième version de la "Valise", bien meilleure que les précédentes : synth-pop inspirée, guitare rock et lignes mélodiques en descentes plutôt que montées.

Toutefois, et malgré le titre choisi, ce n'est pas représentatif d'un disque qui se veut plus sérieux. Le texte des "Filles" quoique léger et dans une ambiance de comédie musicale, se trouve correctement écrit. "Le bon Dieu" revient sur la Génèse, en choeur avec les enfants et DOROTHÉE laisse percevoir son amour pour la Nature, à laquelle elle consacrera plus tard une part de son travail d'animatrice (Terre, Attention Danger). Un reggae plutôt bon, comme "Dis-le, dis-le moi".

Ce disque est plein de titres méconnus mais très chouettes. La country de "Moi j'aime le cinéma" fait référence à Jean-Paul Belmondo, Louis De Funès et Catherine Deneuve autant qu'à Marilyn Monroe, John Wayne et Steven Spielberg. Les choeurs y sont superbes, c'est l'une des chansons où le traitement sonore de Porry et Salesses reste le meilleur.

"En Amérique" offre un voyage plein d'images de rêve sur fond de Yamaha DX7, mais cela n'enlève rien à la chaleur du disque. Les parties de guitares brillent sur les superbes moments folk/country comme "C'est dur de travailler", "Ça compte aussi la gentillesse" et surtout "La petite fille et les oiseaux" qui bénéficie d'une envolée instrumentale à la fin.

Ce qui nous amène au chef-d'oeuvre, et bijou bien caché de l'opus : "La chanson de Marie". Mélodie entêtante et doucereuse, que DOROTHÉE chante avec fragilité et sensualité (c'est l'une des plus belles de sa carrière), en narrant l'histoire de cette femme de marin qui voit son homme partir au large, et qui ne rentrera jamais, pour cause de naufrage. Elle ne lui survivra pas. C'est à la fois tellement simple, tellement beau et si bien servi par cette soft-pop aux reflets maritimes et à la brise aérienne (on dirait du Chris REA de la même époque), ces arpèges joués aux claviers et ces nappes qui s'élèvent ! J'en ai les larmes aux yeux à chaque fois. Oh, vous pouvez bien vous moquer !