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Vladimir COSMA - 13 French Street (mocky) (2007)
Par MARCO STIVELL le 20 Mars 2024          Consultée 539 fois

AVERTISSEMENT : cette chronique de bande originale de film est également susceptible de contenir des révélations sur le film

2007 est une année bien remplie pour Jean-Pierre Mocky, avec deux films et tous parmi ses meilleurs, dans des styles aux antipodes. D'abord, Le Bénévole, son dernier film avec Michel Serrault avant que celui-ci ne décède en juillet à 79 ans, mais aussi un nouveau casting dingo-festif réunissant Bruno Solo ET Yvan Le Bolloc'h (soit les deux locomotives de Caméra Café), Bernard Farcy, Jean-Claude Dreyfus, Plastic Bertrand, Féodor Atkine, même l'écrivain Yann Moix, et les gueules habituelles, Jean Abeillé, Dominique Zardi, Freddy Bournane... Sur la côte d'Agde, avec notre belle Méditerranée en fond, la ville de vacances accueille les bénévoles-à-tout-faire comme chaque été, mais se voit perturbée par l'arrivée de Serrault et sa compagne (Samantha Benoit), échappés de l'asile tenu par Dreyfus en Bourgogne. Poursuivis par celui-ci, ils viennent montrer aux bénévoles, Solo en tête, que 'tout effort mérite salaire' et les poussent à monter un syndicat. Ce qui n'est pas très au goût du maire (Atkine) ni du parrain local au cheveu sur la langue (Le Bolloc'h), ni de l'évèque (Plastic Bertrand), alors que Farcy (commissaire ayant pris une balle dans le fondement, devant marcher avec un siège-canne en permanence) défend les plaignants. Dreyfus, quoiqu'un peu noyé, est tout aussi remarquable et dans tous ses états que dans Le Deal (2006). Humour-détente, courses-poursuites, combat d'avirons... Bref, un petit régal de comédie bien à la Mocky, et une larmichette face aux ultimes frasques et jovialités de Serrault, mais pas de succès hélas, à cause d'acteurs soi-disant trop vieux selon Pathé et les autres distributeurs.

Côté réception, il en va hélas de même pour 13 French Street mais pas pour les mêmes raisons. Mocky revient ici à la Série Noire qu'il aime tant, en adaptant le roman noir du même nom, écrit par Gil Brewer (ami de John Steinbeck) et qui a été un succès retentissant aux U.S.A. en 1951. Si le réalisateur avait pu avoir Monica Bellucci (dont la présence coûtait trop cher), son film aurait pu bénéficier du soutien de distributeurs américains, mais cela n'a pas été le cas. En plus, sa sortie s'est faite pendant les grèves générales de novembre 2007, donc même la publicité offerte par les infrastructures de transport n'ont rien amené. Et c'est vraiment dommage car Mocky s'est particulièrement appliqué dans ce huis-clos érotique tenu par Thierry Frémont, certes récompensé pour son rôle du tueur Francis Heaulme à la télé, mais qui dix ans plus tôt faisait le génial Les Démons de Jésus (1997) pour Bernie Bonvoisin, chanteur de TRUST passé derrière la caméra. Il se rend pour des vacances chez un vieil ami (en fait ex-otage comme lui durant un conflit armé), joué par Tom Novembre que l'on est bien heureux de revoir auprès de Mocky depuis Agent Trouble (1987) et Ville à Vendre (1991). Celui-ci, homme d'affaires sous contraintes, part vite en s'excusant et laisse son visiteur seul dans son grand manoir de rêve avec vue sur la mer (13 French Street) avec sa mère sourde (Catheryne Lys) et surtout son épouse (Nancy Tate), femme du monde, fatale et frustrée qui déteste sa belle-mère et presque autant son mari. Profitant de son absence, elle renvoie même les deux domestiques, dont Léa Seydoux, petite-fille du directeur de Pathé, ici dans l'un des deux-trois premiers longs métrages de sa carrière.

Se passe alors ce qui devait se passer, avec notamment l'assassinat de la mère de Tom Novembre/Victor et un Bruno Solo gardé du film précédent mais d'une autre manière, à la fois alcoolique, voyeur qui harcèle Nancy Tate et Thierry Frémont avec du chantage, plus mordant que celui du Deal. Tout en finesse ou presque, y compris dans les moments 'chauds' (nudité et attouchements, mais rien de porno), auquel on ajoute les décors de la maison et un tournage (en onze jours à peine !!) qui font revenir Mocky en Bretagne après Robin des Mers dix ans plus tôt (Finistère, zone de Châteaulin à port Morgat en passant par Landévennec, toute la base de la presqu'île de Crozon donc). Tout simplement un de ses plus beaux films, Jean-Paul Sergent à la photographie remplaçant au pied levé Edmond Richard, retraité depuis deux ans. Et Tom Novembre, quelle classe dans la complexité de son rôle ! Avec tout cela, l'indéboulonnable Vladimir COSMA ne pouvait pas, ne devait point se rater, lui qui vient encore de trouver tant de mélodies chantantes pour Le Bénévole, à la fois enfantines, valses musettes. Peut-être est-ce pour cela que 13 French Street le fait aller vers de la facilité, en empruntant à d'autres, ce que Mocky a fort peu fait. Et si COSMA aime tant le baroque, comme il l'a montré précédemment, ici c'est du 100 % romantique. Pas Mocky non plus, d'ordinaire mais d'autant meilleur.

Certes, ses "Valse n°1" et "n°2" composées spécialement ne résonnent pas autant dans les esprits du grand public comme, au hasard, celle des Pagnol par Yves Robert (La Gloire de Mon Père et Le Château de Ma Mère en 1990) ou même du Bal des Casse-Pieds (1992), mais le bonheur de l'entendre mener à nouveau un orchestre, et sans lourdeurs, n'est pas des moindres. Il ne s'agit d'ailleurs ni plus ni moins que de la section musicale de l'Armée de Terre. Si la "Valse n°1" part d'un effet groupé, la "n°2" se trouve menée par une seule clarinette et n'en est que préférable, Mocky approuvant sans doute puisqu'il la remet trois ou quatre fois durant l'heure vingt règlementaire de durée de film. À ce sujet, s'il garde son procédé habituel, tout est bien dosé ici, même quand COSMA passe cette fois à la conduite de fanfare, pour les séquences introductives et le générique de fin. Encore de la valse, rythme de carrousel fort peu identitaire par rapport aux images de l'armor, la Bretagne maritime, mais l'ensemble fonctionne bien mieux que ce à quoi on a eu droit pour Robin des Mers. Même le disque swing passé lors de la première soirée de retrouvailles des amis – et déjà sous tension latente -, peut figurer sans mal au rang des bien jolies trouvailles de COSMA pour cet excellent 13 French Street.

En dehors de ces éléments distingués, la valse guillerette, un rien timide, semble décidément une bonne manière d'accompagner la frustration mutuelle de Nancy Tate/Petra, beauté séductrice non-vulgaire comme la voulait Mocky, et de Thierry Frémont/Alex qui ne sait plus où donner de la tête, ne souhaitant ni tromper sa propre compagne qui n'existe qu'au téléphone, ni duper son ami Tom Novembre/Victor. On entend aussi ce thème lors d'une séquence au bar, celle avec Léa Seydoux justement, que Frémont/Alex essaie de séduire par retour des choses. Leur séparation se fait d'ailleurs avec l'orgue de Barbarie enfantin de "La Ballade de Radius", ritournelle principale du Deal mais bien sûr sans la voix de RENAUD ni les paroles, ici. Ces petits clin d'oeil de COSMA par lui-même font du bien. Comme celui, durant l'enterrement de la mère de Novembre/Victor dans un cimetière marin (avec le fossoyeur, ultime présence de Dominique Zardi avant son décès en 2009), à Sergio Leone et Ennio MORRICONE. En effet, tous les non-dits entre les rares présents, Frémont/Alex, Novembre/Victor, Tate/Petra et Solo/Carré, se transmettent par une caméra en plans fixes et rapprochés sur des jeux de regards, tandis que résonnent de grands accords très simples mais angoissants d'orgue d'église puis d'orchestre, alternativement. Un très bel effet auquel ajouter une guitare western aurait sans doute été trop voyant.

Pour tout cela, 13 French Street aurait mérité meilleur accueil. Et ce n'est pas terminé, car comme dans La Candide Madame Duff (1999), le charme précieux se fait également au piano, dans un décor aristocrate. D'abord, Tate/Petra joue la "Valse en la mineur" de Frédéric CHOPIN, parmi les plus grands airs romantiques (fin des années 1840) lorsque son mari revient et que des fautes ont déjà été commises à son insu (?). Mais la séquence la plus marquante, nocturne, est bien la dernière. Elle est d'abord annoncée musicalement lorsque Novembre/Victor a une attaque, il parle à son ami Frémont/Alex doucement sur une autre mélodie superbe très connue, à savoir l'"Adagio Cantabile" de la "Sonate n°8" de Ludwing VAN BEETHOVEN, composée à la fin du XVIIIème siècle. Cette mélodie façon danse macabre accompagne à merveille le dénouement final et déchirant de 13 French Street, peut-être plus ou moins attendu mais néanmoins bien mené par un trio d'acteurs plus ou moins professionnel, un des plus forts de la carrière de Mocky. Pour cela, ce film, malgré ses baisses de régime inévitables et son savoir-faire qui ne fait qu'effleurer la vraie grande réalisation, mériterait le rang de chef-d'oeuvre. À échelle Mocky, juste avant sa 'longue' absence du grand écran (pas du petit). Et de COSMA, une splendide B.O.

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