Le quatrième album de GRIN, à la pochette bariolée mais plus digeste que celle du prédécesseur (montrant Nils Lofgren l'ancien gymnaste en plein saut périlleux), est aussi le dernier du groupe, tout en ouvrant une bonne opportunité pour son leader. Jusque-là, divers labels (donc Epic) s'étaient partagé leur distribution, alors que pour Gone Crazy, c'est la major A&M qui signe et qui, passé l'année 1974, gardera le guitariste dans son écurie pour une période durable.

Hélas, pour cette conclusion/transition particulière, le constat n'est pas au plus beau fixe. Prenons le cas des troisième et quatrième morceaux : "What About Me" avec son rock tribal solaire, entre accélérations et ralentissements, possède une bonne énergie, des guitares solides et des percussions jouées intelligemment par mademoiselle Bobbye Hall, tandis que "One More Time" est un slow blues beaucoup trop minaudant et jusque dans le solo de guitare, mais permettant d'introduire les choeurs féminins de l'album. À savoir Sherlie Matthews (affiliée à la Motown), Clydie King, ancienne Raelette de Ray CHARLES qui vient d'avoir un tube sous le pseudonyme BROWN SUGAR, ainsi qu'une certaine Merry CLAYTON que les fans des ROLLING STONES connaissent bien ("Gimme Shelter"). On les retrouve pour "Ain't Free", blues nonchalant un peu trop criard.

Disque plus féminin dans ses intervenants extérieurs, mais également moins inspiré, hélas. "Nightmare" au shuffle festif grâce au piano de Nils Lofgren marque moins les esprits que celui de "True Thrill", très cool pour un morceau d'allure désespérée, sans pour autant s'affirmer comme réussite sur le long terme. Il en va de même du gentillet "Boy & Girl", chargé en choeurs et typiquement hippie, qui traîne un brin et où le piano résonne mieux que le reste. La nouveauté n'est pas condamnable, mais il s'agit peut-être d'un début de compréhension de la fin de GRIN : deux guitaristes liés par le sang, mais plus de piano audible que de guitare ?

Le même instrument trouve meilleur ancrage sur "Believe", ballade suave, très sucrée mais curieusement plus acceptable grâce à son essence folk et ample. Le titre "Beggar's Day" est un hommage à Danny Whitten, guitariste de Neil YOUNG parti de ce monde bien trop jeune à la fin de l'année 72, et dont on se souvient qu'il avait figuré tout comme le Loner sur le premier album de GRIN, aux choeurs. Son rock rugueux et incantatoire, en plus d'être efficace, est une célébration à la hauteur de ce qui se devait, y compris cette fois pour le solo de guitare.

Trois-quatre chansons entre le très convenable et l'excellent, c'est relativement peu pour un contenu amoindri et dont le début avec "You're the Weight", batterie-tambourin et riffs acérés, laissait présager bien mieux. Fin de l'histoire pour le trio devenu quatuor, Bruce Gordon n'étant pas connu par la suite pour d'autres projets. Bob Berberich en aura, lui, mais à un degré de notoriété moindre, tout comme Tom Lofgren, à un niveau beaucoup plus espacé (enregistrements avec des groupes différents durant les années 80, puis 2000), même s'il participe parfois aux futurs albums de son frère. En revanche, très rapidement, vient la confirmation que franchement, dès le départ, Nils Lofgren, le prodige, était au-dessus de tout.