Voilà un portrait original et plutôt plaisant dans son style particulier ! C'est la seule et unique oeuvre, du moins pour une pochette d'album, de Melanie Corradi, artiste vivant en Arizona tout comme Nils LOFGREN désormais. Celui-ci a décidé de prendre du temps entre chaque album, profitant des pauses laissées par Bruce SPRINGSTEEN et le E STREET BAND mais sans se presser pour créer, tourner lui-même de son côté. Bref, la vie d'un routier de 55 ans qui n'a plus rien à prouver mais sait se maintenir à flot.

Sacred Weapon (2006) est l'occasion pour lui de tisser à nouveau quelques retrouvailles amicales avec des musiciens qu'il n'avait plus employés depuis un paquet d'années. En premier lieu, Kevin McCormick, son bassiste fétiche des années 80 et du début des années 90, qui rejoint le batteur Timm Biery (ancien musicien du rockeur Canadien-Italien Frank MARINO) présent depuis les concerts de la tournée Breakaway Angel en 2002. Ensuite, malgré l'expérience bancale de Damaged Goods (1995), LOFGREN fait de nouveau appel à Roger Greenawalt pour la co-production.

Un disque réalisé en petit comité où Nils tient comme souvent la plupart des instruments en plus du chant, guitares bien sûr mais aussi claviers, accordéon... Le tout pour un ensemble à son honneur, même si l'on note quelques baisses de régime. On sent dès "In Your Hands" son besoin de revenir non seulement aux solos de guitare électrique, mais également à un son blues-country 'heartland', sentant bon le terroir américain et rempli de choeurs en grande pompe. Le même, d'ailleurs, que SPRINGSTEEN adopte la même année avec l'épisodique SEEGER SESSIONS BAND.

On se délecte sur ce titre du dobro et des effets 'slide' (presque aussi importants que l'électrique lead sur cet album), de la rythmique basse-batterie, des violons country ajoutés ainsi que de la présence du grand Willie NELSON dans les choeurs, aux côtés des frères Lofgren : Tom, que l'on connait déjà pour avoir accompagné Nils souvent depuis l'époque GRIN, mais aussi Mike et Mark, ce dernier étant l'homonyme d'un rockeur de leur ville natale, Chicago. Tout comme l'amitié, il y a toujours un peu de famille bien marquée sur les albums de Nils LOFGREN.

À propos de GRIN, un très lointain collègue, à savoir Bob Berberich, batteur-chanteur du groupe à l'époque, intervient dans les vocaux de "Can't Take the Rock", blues mordant et entêtant qui clôture l'album, sympa sans plus. Il y a aussi la chanteuse avenante Mary Ann REDMOND, de l'état de Virginie et qui ne produit plus d'album alors mais tente de poursuivre sa carrière. Elle participe hélas ici à l'autre titre qu'est "Fat Girls Dance", ennuyeux non point par son rythme festif mais par son aspect kitschoune, la faute à l'emploi d'un orgue cajun de poche assez forcé, qui le place en rupture du reste. Sur celui-là, elle retrouve Tom LEPSON, le chanteur qu'on avait entendu sur la B.O de LOFGREN pour le film Every Breath (1993).

En revanche, REDMOND, LEPSON et Berberich se retrouvent sur "Mr. Hardcore", une des perles de Sacred Weapon où chant de Nils et arrangement s'équilibrent à merveille sur un riff excellent et un blues nerveux du meilleur niveau. Idem de "Frankie Hang On", pop-folk à l'avenant sur laquelle on croise, s'il vous plaît, messieurs David CROSBY et Graham NASH, ce dernier ayant lui aussi été présent dans la carrière de GRIN le temps d'un crédit d'album. Participation de marque, séduisante autant qu'amusante, quand on connaît un peu la suite de la carrière de Nils.

Pour en finir avec les invités notables, "Whiskey Holler", ballade folk saupoudrée de pedal-steel guitare, aérienne et fine, permet de réunir LOFGREN et une des nouvelles têtes d'affiche du genre que représente Martin SEXTON. Et puis, pour l'épique "You're Not There" ainsi que la country chaloupée et délicieuse de "Comfort Your Love Brings", picking délicat et accordéon en prime, on croise Margo REED, chanteuse blues aujourd'hui disparue, pour faire les choeurs aux côtés de Mary Ann REDMOND.

Les derniers titres proposés sont plus ou moins notables. "Trouble" et sa rythmique forte manque de peu de reprendre les travers de "Fat Girls Dance", l'orgue y sonnant déjà mieux. "Tried and True", crépusculaire avec son duo accordéon-mandoline, nous confirme l'idée qu'un album acoustique par Nils tout dans ce style aurait une très bonne tête. Enfin, l'épique "Come a Day" est la chanson qui le rapproche le plus de son Boss adoré, avec de grands accords springsteeniens, ce choeur gospel appuyé très folk dans l'âme et un ensemble 'roulant' vraiment superbe. Pas un grand album, mais de la qualité aux trois-quarts, assez pour donner envie de s'y arrêter !

Note réelle : 3,5